La controverse autour du Revenu de Base est multi-dimensionnelle.

Cette complexité est ancrée dans l’aspect très éclaté du débat. En effet, il est étalé sur une large étendue temporelle et spatiale, et même si nous nous sommes concentrés sur les travaux récents et majoritairement dans l’espace européen, la communication entre les acteurs est très peu fluide. De plus, les différences de points de vue entre les protagonistes du débat résident dans une pluralité de nuances qui troublent la vision du lecteur non-averti, si tant est qu’il les perçoive.

En effet, par exemple, Christine Boutin avance une justification déontologique à l’octroi d’un Revenu de Base, celui-ci est alors un droit basé sur le fait que nous sommes tous les héritiers d’un capital historique immatériel. Ainsi le Revenu de Base est une reconnaissance monétaire de la dignité humaine. Un autre défenseur du Revenu de Base (d’un montant différent toutefois) mais situé à l’opposé de l’échiquier politique, Baptiste Mylondo prône cette mesure dans une visée conséquencialiste, pour lui plus qu’une reconnaissance, ce revenu doit doter l’individu des moyens afin qu’il puisse lui aussi contribuer à la richesse sociale.

Sa spécificité nait également de l’orientation des différents acteurs. En effet, on s’attend habituellement à ce que ces derniers puissent être classés selon qu’ils sont pour ou contre la proposition principale. Cependant, dans notre cas, il est intéressant de remarquer  que l’écrasante majorité des personnes qui se prononcent publiquement sur le sujet, sont déjà acquises à la cause du Revenu de Base. Les opposants à cette mesure la négligent et ne s’expriment presque pas sur la scène politique, scientifique ou même médiatique.

Dans cette section, nous allons avant de nous plonger dans le cœur du débat, tenter d’en dessiner les contours. L’état de la controverse a pour objectif de vous donner une vision macro de la structure des interactions entre les personnalités qui font avancer le débat sur le Revenu de Base.

Voici la structure générale du débat que nous tenterons de détailler plus avant dans cette section. Celui-ci s’organise donc entre le chercheurs et les militants (deux groupes dont les frontières sont perméables), la presse, les politiques, les syndicats et les citoyens.

Tout d’abord il est nécessaire de préciser le code de couleurs qui vous permettra d’identifier les figures de proue de la controverse selon leur appartenance à des réseaux militants. Ainsi, le MFRB est représenté en vert pomme, l’Université Catholique de Louvain en orange et le MOC en jaune. L’appartenance au BIEN est reconnaissable quant à elle grâce au liseré marron qui entoure les bulles de Y.Bresson, P.Van Parijs et Y.Vanderborght et il est signifié par un liseré bleu que M.de Basquiat fait partie de l’AIRE. En revanche, les acteurs qui en sont pas affiliés à un mouvement militant concernant le Revenu de Base sont en gris et les mouvements qui se veulent indépendants. Les partis politiques, eux, sont schématisés par des triangles bleus.

Ensuite, chaque flèche modélise et explicite grâce à son étiquette le type de relation qu’entretiennent les acteurs. On notera par exemple que les groupes militants tentent d’attirer l’attention du grand public, de les mobiliser en faveur du Revenu de Base, notamment grâce à l’Initiative Citoyenne Européenne lancée qu’ils ont amorcé en 2013.

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De plus, les outils mis à notre disposition nous ont permis de distinguer de fortes variations d’intensité d’échanges d’idées dans le temps. Voici à ce propos un graphique présentant l’occurrence en pourcentage des mots-clés « revenu de base », « allocation universelle » et « basic income » (cf. Lexique) sur l’ensemble des mots recensés par Google Books depuis 1960 :

(source : Ngram viewer)

On observe donc que le débat a progressivement émergé tout au long de la deuxième moitié du  XIXème siècle avant de connaître – avec l’apparition de synonymes – un remarquable développement à partir des années 1980. L’utilisation du mot « allocation universelle » dans des ouvrages a connu un pic dans les années 1990 tandis que la fréquence du terme « revenu de base » croît de façon relativement constante depuis son apparition. Ces tendances traduisent donc un intérêt croissant pour le sujet mais quelles ont été les modalités spatio-temporelles du débat ? Quels en ont été les principaux protagonistes ? Voici ce que nous nous proposons de vous présenter dans cette section.