La décroissance, un horizon inéluctable ?

Chronologie de la partie :

 

La loi des rendements décroissants :


Les connexions entre croissance économique et ressources naturelles, si chères aux décroissants, ne sont pas une idée neuve. Déjà, au début du XIX ème siècle, les économistes de l’école classique se saisissent de la question.


Dans ses Principes de l’Economie politique et de l’impôt,  publiés en 1821, Ricardo développe la loi des rendements décroissants, qui s’applique aux sociétés reposant sur l’agriculture: lorsque la population augmente, on met en culture des terres moins fertiles, ce qui abaissent le rendement moyen d’exploitation, d’autant plus que la fertilité d’une terre décroit à mesure qu’on l’utilise. Ce concept s’accorde bien à l’idée malthusienne, selon laquelle plus la population augmente, plus les ressources disponibles par habitant se réduisent.


Ainsi, les classiques s’inquiétaient déjà, bien avant les décroissants, des limitations de la croissance par la finitude des ressources naturelles. Pourtant, il ne s’agit pas à l’époque, de penser la décroissance, mais d’imaginer un horizon sans croissance: l’état stationnaire.


Etat stationnaire : un bref historique


La loi des rendements décroissants de Ricardo et le principe de population de Malthus leur font imaginer un état stationnaire de l’économie. Pour l’école classique, pourtant contemporaine des bouleversements induits par la Révolution industrielle (XIXème siècle), la croissance ne peut être durable.


En 1776, c’est Adam Smith qui évoque le premier l’idée d’un « état stationnaire », dans La richesse des nations. Selon lui, « l’état stationnaire est un état morne » synonyme de pauvreté.

En 1803, Malthus développe l’idée d’un état stationnaire atteint dans la misère : puisque la population croît plus vite que la production, la demande outrepasse systématiquement la production, ce qui induit une augmentation du taux de mortalité : la misère restaure l’équilibre.

En 1848, prenant le contrepied de la vision pessimiste de l’état stationnaire défendue par Malthus, John Stuart Mill déclare que l’état stationnaire est « désirable » : il est persuadé que les hommes se satisferont d’un état stationnaire bien avant que les nécessités ne les y contraignent.


Aujourd’hui, les visions pessimistes et optimistes de la décroissance reprennent la controverse qui animait les classiques autour de l’état stationnaire: la décroissance s’imposera-t-elle à l’humanité dans la misère? Ou les hommes sauront-ils l’organiser lorsqu’ils seront satisfaits de leur niveau de développement?


Herman Daly, décroissant influant du XXème siècle, défend l’idée d’Equilibre dynamique de l’économie à l’état stationnaire (EDEES). Influencé par John Stuart MILL, il décrit une économie qui ne connait ni croissance ni contraction en termes physiques sur le long terme. Pour ces deux économistes, la société humaine a intérêt à réaliser l’état stationnaire avant de n’y être contrainte, en passant, pour DALY, par une phase de décroissance.


Mais tous les décroissants n’adhèrent par à l’idée d’état stationnaire.


Pour la plupart d’entre eux, c’est pour tendre vers cet état stationnaire à l’échelle mondiale, auquel on ne pourra de toutes façons pas échapper, une décroissance des pays riches s’impose, pour autoriser une croissance des pays pauvres, la croissance globale devant un jour être poussée par les contraintes environnementales, à s’annuler.


Pourtant, Georgescu-Roegen, principal théoricien de la décroissance au milieu du XXème siècle, récuse l’idée d’Etat stationnaire, en invoquant sa quatrième loi de la thermodynamique: c’est parce que la décroissance ne s’annulera jamais, que l’état stationnaire ne sera pas atteint.


Si l’idée d’état stationnaire ne fait pas consensus auprès des décroissants, elle est fortement remise en cause par les néoclassiques, qui lui reprochent de ne pas suffisamment tenir compte des innovations techniques. La croissance peut, pour eux, être relancée par l’introduction de nouvelles technologies, et il n’y a pas de fatalité: la croissance peut être illimitée. 


Sources :


DALY H.(1991), Steady-state economics. Island Press, Washington DC


GEORGESCU-ROEGEN N. (1971) The Entropy Law and the Economic Process, Cambridge, Mass., Harvard University Press, p 60.


La croissance limitée: le point de vue des économistes classiques

Une croissance limitée ?

LA CONTROVERSE


  1. Une autre approche économique


  1. Une croissance limitée ?

  2. Le point de vue des classiques

  3. Les cycles économiques

  4. De l’entropie en économie : la décroissance comme seul horizon ?


  1. Peut-on parier sur les percées technologiques ?

  2. La croissance verte

  3. Le point de vue des décroissants


  1. Des théories de la croissance à la politique

  2. Libérer ou réguler l’économie pour sauver l’environnement ?

  3. Pour des meilleurs instruments de mesure de la croissance

  4. La critique du capitalisme par les décroissants


  1. La croissance au secours des pauvres

  2. La croissance économique au secours de la croissance démographique

  3. Les décroissants pour une réduction de la natalité ?

  4. Qui de la croissance ou de la décroissance est au service de l’éthnocentrisme européen


  1. L’enjeu environnemental


  1. Comment quantifier l’influence de l’homme ?

  2. Les prélèvements

  3. Les rejets

  4. Une mesure globale, l’empreinte écologique


  1. Le lien empreinte/croissance

  2. Conditions de production

  3. Courbe de Kuznets environnementale

  4. Que vaut cette courbe de Kuznets environnementale ?


  1. Les prédictions des décroissants

  2. La catastrophe malthusienne

  3. Epuisement des ressources

  4. Empreinte écologique excessive


  1. Un autre mode de vie ?


  1. L’augmentation des besoins


  1. La santé : une croissance pathogène ?


  1. Le rapport au travail

  2. Chômage et conditions de travail

  3. Progrès technique et emploi

  4. Le plein emploi sans croissance


  1. Inégalités sociales

  2. Croissance et recul des inégalités

  3. Critique de la courbe de Kuznets


  1. Projet social des décroissants

  2. La convivialité selon Illich

  3. Pour une décroissance conviviale, aujourd’hui

 


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