T. Piketty a tout d’abord publié son travail en France, au cours du mois de septembre 2013. Le succès de l’ouvrage a été plutôt bon pour un livre traitant d’un tel sujet, même si les lecteurs étaient surtout des universitaires ou des personnes déjà intéressées par des publications économiques. On peut ainsi noter la réaction de Nicolas Baverez, qui intervient dès le 26 septembre 2013 avec un article intitulé « Piketty, un marxisme de sous-préfecture », publié dans l’hebdomadaire Le Point. Il s’attaque aux réformes prônées par Piketty, et notamment à l’augmentation de l’impôt, sans remettre en cause le travail de collecte et de compilation des séries statistiques. Robert Boyer publie lui aussi une critique du Capital au XXIème siècle dans la Revue de la Régulation à l’automne 2013. Mais d’un point de vue général, la sortie du livre de T. Piketty en France reste assez peu remarquée.

 Son livre est ensuite traduit en anglais, par Arthur Goldhammer, et publié aux Etats-Unis en mars 2014. Le succès est alors immédiat, et dépasse largement les sphères universitaire. L’ouvrage passe rapidement dans la liste des livres les plus vendus. Ce succès s’explique notamment par la critique que le prix Nobel d’Economie Paul Krugman publie dans la revue The New York Review of Books en mai 2014. Il écrit ainsi que :

 » C’est devenu un lieu commun de dire que nous vivons un second âge d’or – ou, pour reprendre l’expression de Piketty, une seconde Belle époque – défini par l’irrésistible ascension des “1%”. Mais ce poncif est né du travail de Piketty. « 
 » C’est un livre qui va changer à la fois la façon dont on pense la société, et notre manière de faire de l’économie. « 

Le Financial Time publie une première critique le 23 mai 2014, à laquelle Piketty s’empresse de répondre. The Economist lui consacre aussi un article en mai 2014, saluant le travail de collecte de données réalisé par Piketty, ce qui continue de donner de l’importance et de la légitimité au livre de Piketty dans le monde anglo-saxon.

 Le livre de Piketty devient si populaire outre-Atlantique que les média français s’emparent à leur tour du phénomène.

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 Ainsi est né le « phénomène » Piketty : la première publication en France n’a été que très peu remarquée, le succès du livre se cantonnant aux sphères universitaires principalement. Après une traduction en anglais, et la publication du Capital aux Etats-Unis, le succès de l’ouvrage de T. Piketty est immédiat. Paul Krugman, en publiant sa propre critique, contribue beaucoup à la réussite de ce livre dans le monde anglo-saxon. De retour en France, les vagues crées par le succès de T. Piketty s’étendent aux média français.

 Les premières critiques adressées à T. Piketty en France portaient, on l’a vu, prioritairement sur ses méthodes et ses hypothèses de travail. Cela s’explique principalement par le fait que ses lecteurs étaient au début en majorité des chercheurs en économie, qui s’intéressent plutôt aux méthodes utilisées dans un premier temps, afin de vérifier leurs pertinence.

 Avec le succès en Amérique, le débat s’étend aussi sur les solutions que l’économiste français envisage à la fin de son livre. C’est en effet sur ce créneau que T. Piketty subit le plus de contradictions, notamment émises par la droite libérale américaine. Puis ces deux principaux types de critiques – critique de méthode contre critique de solutions – se distinguent peu à peu : les premières sont plutôt publiées par des chercheurs, par le biais de feuilles de travail ; les autres sont plutôt l’œuvre de journalistes ou de chroniqueurs, qui expriment leurs avis sur les présupposées idéologiques ou les solutions envisagées par Piketty.

 Parmi les principaux sujets de discorde, on trouve en premier lieu le problème des taux d’imposition des revenus du travail, des revenus du capital, et de la valeur du capital. Alors que T. Piketty semble se focaliser sur les ultra-riches (les 1% les plus riches), les libéraux sont opposés à l’augmentation des taux d’imposition. Le logement fait aussi débat, surtout dans les sphères universitaires : certains chercheurs critiquent la méthode de T. Piketty qui consiste à considérer le logement comme un bien équivalent à tout autre type de capital. De manière plus large, certains considèrent que T. Piketty rassemble sous le concept de capital des éléments très hétérogènes, qui ne se comportent pas tous de la même manière dans le temps ; et que l’économiste français tend à considérer que le capital se confond avec le patrimoine, ce que réfutent certains critiques, qui soulignent l’existence d’un capital social d’une valeur monétaire inestimable.