Surévalués par les lobbies ?

Pour déterminer ceux à qui profitent la consommation de lait, il est utile de se renseigner sur les organisations et les institutions qui prônent les bienfaits du lait. Comme le montre l’analyse du slogan « 3 produits laitiers par jour », deux acteurs diffusent principalement ce message : l’État et l’Industrie laitière. Si l’un semble ne se soucier que de la santé des Français, on peut se poser des questions sur les motivations et les arguments de l’autre. Pourquoi et comment l’industrie laitière recommande de consommer du lait? Qu’elle a-t-elle à y gagner?

Les enjeux économiques de la consommation de lait

Avant de lire cette partie, nous vous conseillons de lire l’historique de la consommation de lait.

Une industrie organisée et influente

En France, contrairement à ce que l’on pourrait penser au premier abord, la filière laitière est très structurée. De nombreux organisations par filières ou par type de produits cohabitent et hiérarchisent ce que l’on appelle l’industrie laitière.

Il existe deux types de syndicats : les fédérations et les syndicats de produits. Les fédérations comme le FNPL [1], sont les « interlocuteurs de référence dans les différentes structures et organisations où se décide l’avenir de la filière » . Ce ces fédérations dépendent des conseils et associations comme le CNIEL. Les syndicats des produits, eux gèrent l’organisation des sous filières. Par exemple : Syndifrais, le syndicats des produits laitiers frais, propose des améliorations de la filière concernée, mandate des recherches sur les produits laitiers frais et élabore des dossier de réglementations.

Selon les producteurs de lait [2], ces organisations profitent principalement aux groupes industriels. Elles sont aussi forces de propositions auprès des institutions législatives. En 2012, Syndifrais a proposé un texte à la  Commission Européenne demandant la reconnaissance des bienfaits des yaourts sur l’organisme qui a été adopté [3].

Cette filière aussi structurée et regroupée est un acteur économique très particulier. Elle s’est construite par elle-même et se régule en interne. Jusqu’à récemment, les fédérations fixaient par exemple elles-même les prix de la collecte du lait chaque trimestre. Ce système est critiqué par les organisations officielles comme  la DGCCRF [2] (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la fraude). En 2008 le FNIL, à travers le CNIEL a rencontré le Ministre de l’agriculture pour faire barrage à la DGCCRF. « […] nous lui avons dit que la DGCCRF nous empêchait de travailler. Nous lui avons donc demandé d’être de notre côté pour déposer un amendement dans la loi de finances et continuer de nous laisser faire »

Mise en question de l’honnêteté des messages des industriels

Le marché du lait, et plus généralement des produits laitiers, est partagé entre plusieurs groupes qui ont tout à gagner à ce que les consommateurs achètent de plus en plus leurs produits. Ils sont donc près à dépenser des millions d’euros pour financer des études prouvant les bienfaits des aliments qu’ils proposent. En effet, les industriels financent des équipes de recherche pour réaliser des études sur les produits laitiers. C’est le cas par exemple avec l’ENIL en Franche Comté. Certains détracteurs contestent alors la neutralité des dites enquêtes: voir à ce sujet ce qu’en disent Thierry Souccar et Marie-France Montanera [4].

« L’industrie laitière a réussi à persuader les médecins que le lait est un aliment essentiel. »

T. Souccar

Il ne faudrait toutefois pas remettre en cause le réel intérêt des recherches commandées par l’industrie laitière. En tant que producteurs de produits laitiers, ils sont les premiers intéressés par les nouvelles données concernant leur entreprise. Selon Brigitte Coudray [4], les industriels ont aussi besoin de données sur leurs produits. Les études concernées sont bien financées par l’industrie laitière, mais ne sont pas rendues publiques. Il n’est alors pas question de neutralité de l’étude.

Le problème survient lorsque les études sont destinées à être publiées. Toujours selon le CNIEL [4], des contrats régissent le financement d’une étude. Il existe cependant un cadre légal:

« Les membres des professions médicales qui ont des liens […] avec des organismes de conseil intervenant sur les produits laitiers, sont tenus de faire connaître ces liens lorsqu’ils s’expriment lors d’une manifestation publique »

article L. 4113-13 du Code de la santé publique

De plus, les consommateurs perçoivent des publicités en tout genre et sur tout format. Récemment, en 2014, le CNIEL a lancé un site internet, milkUgood, sous la forme d’un blog valorisant un usage créatif et moderne des produits laitiers. Ce site se veut  éloigné de l’image des industriels du lait. Il est donc difficile de séparer la réalité de ce que cherchent à montrer ces organisations.

milkUGood
vue du site milkugood.com

Les producteurs pas si profiteurs

Les producteurs laitiers ont été fortement encouragés par l’Union Européenne à produire du lait, mais sous certaines règles, appelées quotas. Ces quotas leur assuraient une stabilité des revenus [5]. Toutefois, depuis la décision de l’Union Européenne de mettre un terme aux quotas laitiers, les agriculteurs sont plus soumis à une variation de leur revenu, directement indexé sur le prix de vente du litre de lait.

graph_CA_exploitations_laitieres

Graphiques issus de Chambres d’Agriculture n°1021 [5]
On observe ainsi qu’entre 2006 et 2009, les producteurs Français ont vu leur revenu baisser, le système leur étant moins favorable. Pourtant, sur la même période, l’industrie laitière a fait vu son chiffre d’affaire passer de 26 à 28 milliards d’euros. C’est donc que les producteurs ne sont pas les premiers bénéficiaires du Lait.  graph_CA_industries_laitieres

SOURCES[1] CNIEL. Maison du Lait [en ligne], mis en ligne en France, mise à jour régulière. Lien. Résumé[2] SCHEPMAN, Thibaut. Les industriels du lait, nos ennemis pour la vie ? , basta! [site internet], 9 novembre 2010. Lien[3] SYNDIFRAIS, Réglementation, SYNDIfrais [site internet], mis en ligne en France, mise à jour régulière. Lien. Résumé

[4] Voir les entretiens réalisés par notre équipe. Lien

[5] PEREIRA V, Filière laitière: Quels enjeux? Quels outils dans la future PAC? , Chambres d’agriculture n°1021, mars 2013. Lien. Résumé.