Un article scientifique au coeur du débat

Le 28 octobre 2014, le British Medical Journal publie une étude réalisée sur une cohorte d’environ 32 000 personnes par l’équipe du professeur Michaelson de l’université d’Upsala en Suède : Milk intake and risk of mortality and fractures in women and men: cohort studies.

Son objectif :

« To examine whether high milk consumption is associated with mortality and fractures in women and men. »

Ses conclusions, si elles restent prudentes, remettent en cause les bienfaits du lait pour la santé, notamment en ce qui concerne l’ostéoporose. Là où les médecins recommandent de boire du lait pour solidifier les os, les chercheurs obtiennent des résultats statistiques en faveur d’une corrélation entre augmentation de la consommation de lait et risque de fracture. La molécule qui semble ici être la plus remise en cause est la D-galactose. Plus fort, une importante consommation de lait entraînerait une augmentation du taux de mortalité !

« High milk intake was associated with higher mortality in one cohort of women and in another cohort of men, and with higher fracture incidence in women. Given the observational study designs with the inherent possibility of residual confounding and reverse causation phenomena, a cautious interpretation of the results is recommended.»

Dans l’éditorial de cette édition du BMJ, intitulé pour l’occasion Milk and mortality : Genetic studies could help us interpret a biologically plausible but preliminary association, C. Mary Schooling, de l’ University of New York School of Public Health commente l’article de l’équipe suédoise :

« Dietary guidelines may also be designed to provide recommended intakes of specific nutrients, sometimes based on the lowest level of evidence (that is, opinion) and reflecting the assumption that normal intakes in Europe or North America represent those that are optimal. As such, it is hardly surprising that dietary guidelines are not always confirmed by experimental evidence from trials, such as the harmful effects of saturated fats or the benefits of calcium.

« As milk consumption may rise globally with economic development and increasing consumption of animal source foods, the role of milk in mortality needs to be established definitively now. »

Sur http://www.bmj.com, les internautes commentent l’article et l’éditorial. En plus de nombreux commentaires de scientifiques, on trouve également :

« Monkeys leave the cows alone. What is to be logically inferred is that for the adult human body systems , any milk or any milk derivative is foreign. Consequencies of more and longer dairy product intake are not known. Broken bones and early death are horrible indeed. »

 « Faced with our multitude of pressing nutritional problems, we need less scientific purity and more real world pragmatism. »

Les meilleurs commentaires scientifiques d’internet ainsi que les réponses parvenues au BMJ sont repris dans des lettres dans le BMJ du 26 novembre 2014. Les auteurs y répondent en explicitant leurs choix de méthodes. Ce sont majoritairement ces courtes réponses que l’on retrouve sur la carte des citations en aval de l’article fournie par le Web of Science :

  • The potential effects of modern milk production (quel rôle attribuer dans les résultats aux substances de synthèses comme les antibiotiques injectés aux vaches laitières ?)
  • Statistical problems with study on milk intake and mortality and fractures
  • Raw versus pasteurised milk
  • Vitamin D status, bone fracture, and mortality 
  • Study used wrong assumption about galactose content of fermented dairy products
  • Unaccounted sex differences undermine association between milk intake and risk of mortality and fractures
  • Authors’ reply to Labos and Brophy, Kerr, Hill, Hettinga, Sundar, and Bonneux

Ces articles sont référencés dans l’arbre de citations ci-dessous : les articles à gauche sont ceux cités par l’étude, ceux à droite sont ceux citant l’étude. Les conclusions scientifiques ne sont donc pas fixes mais continuent d’évoluer au fil du temps.

Arbre des citations pour l'étude du P. Michaëlsson
Arbre des citations pour l’étude du P. Michaëlsson (WOS)

Suite à ces publications, le message a été largement diffusé dans la presse à l’échelle mondiale avec toujours la même phrase: « pour les hommes, le lien statistique entre grande quantité de lait consommé et risque de décès est également observé mais « de manière moins prononcée » tandis qu’aucun lien n’est observé pour les fractures ».

En conséquence la Suède revoit en novembre ses recommandations à la baisse [1], recommandant de boire un maximum de deux verres de lait par jour, contre trois auparavant.

En janvier, on assiste dans la presse à une deuxième relance de publication, plus modérées cette fois ci, toujours au sujet de l’étude. C’est la deuxième vague médiatique, bien qu’elle soit beaucoup moins relayée. Ce qui est intéressant c’est que l’article à l’origine de cette vague est de Jean Michel Lecerf [2].

SOURCES

[1] Fin24. Swedish farmers hit as milk’s popularity wanes, Fin24 [site internet], 18 février 2015. Lien.

[2] PARIENTE, Sophie. Lait et produits laitiers participent à la diversité alimentaire, Le Quotidien du médecin, 22 janvier 2015.