Notre démarche ?>

Notre démarche

  • Premières analyses et problématisation

La complexité du sujet nous est très rapidement apparue : cette controverse en regroupe en réalité de nombreuses. Son titre elle-même, “Grexit” ne fait pas consensus dans sa définition et dans sa signification, comme nous l’expliquons dans ce dossier. D’autant plus que notre sujet de controverse est hypothétique et donc lié à un futur incertain : de nombreuses hypothèses se sont et continuent de s’opposer, mais aucune prise de recul n’est possible, car c’est la première fois qu’un tel problème, celui d’une potentielle sortie d’un pays de la zone euro voir de l’Union Européenne, s’est posé de manière si concrète, sortie qui n’est d’ailleurs pas prévue dans les textes fondateurs de la zone euro.

Le choix retenu pour les premières recherches a donc été de ne pas se restreindre en ce qui concerne les axes de questionnement dans nos recherches pour essayer d’avoir une vision globale des différents points de vue et débats internes au Grexit, afin de mieux cerner les différents enjeux et points de frictions. Ceux-ci sont nombreux :

  • Une première controverse existe sur la signification même du terme employé : un Grexit signifie-t-il une sortie de la zone euro uniquement, mais un maintien dans l’Union Européenne, où cela implique-t-il nécessairement une sortie totale de l’UE ? Longtemps considéré comme inimaginable, le Grexit est non seulement devenu envisageable mais est apparu comme une des options les plus probables pour les milieux financiers et les marchés. De même, au sein de l’Union Européenne, longtemps tabou, le Grexit est finalement évoqué pour la première fois par Christine Lagarde lors d’une réunion du G7 le 1er juin 2015 d’après Warren, puis s’impose comme une solution possible dans les débats, comme en témoigne la fréquence de son utilisation dans les médias.
  • Un autre sujet qui porte à controverse est le cadre juridique d’un Grexit : en effet, aucune clause dans les différents traités européens ne prévoit cette éventualité, d’après Jean Marc Daniel, économiste, professeur associé à l’ESCP Europe et directeur de rédaction de la revue Sociétal. Il explique ainsi qu’une sortie de la zone euro n’a ainsi jamais été pensée et le Grexit baigne donc dans un flou juridique : est-il seulement concevable ? Si oui, sous quelles modalités ? Est-ce possible d’être membre de l’UE sans avoir la monnaie unique ? Comment les différents contrats vont-ils être reconduits ? Si Grexit il y a, comment sera gérée la transition, aussi bien monétaire que pour les différentes structures bancaires ?
  • La crise grecque en elle-même est controversée : est-ce une simple crise économique, à traiter en tant que telle ? Ou bien est-ce une crise plus complexe, à la fois politique, géopolitique, culturelle et européenne ? Apparaît alors la controverse liée à la manière dont a été traitée cette crise, et sur les différentes politiques d’austérité qui ont été menées ainsi que les objectifs fixés (réduction de la dette, augmentation des impôts, réduction des dépenses, baissent des salaires…) par l’Europe notamment : ce traitement, uniquement sur le plan économique, correspondait-il à la réponse la mieux adaptée ? D’après Georges Prévélakis « C’est ainsi que l’économique cède rapidement sa place au politique puis au géopolitique. L’évolution de la crise grecque met en exergue l’erreur européenne de confier sa gestion, et surtout sa conceptualisation, aux économistes ». La crise grecque apparait donc comme étant une crise bien plus complexe qu’uniquement économique. Pour d’autres cependant, la crise grecque n’est à aborder que comme une crise classique, comme pour Olivier Chemal, chez économique d’Alef, qui explique qu’un Grexit serait un choc violent mais salutaire pour l’économie grecque.
  • Vient ensuite la controverse sur le Grexit en lui-même : quelles seraient les conséquences d’une telle sortie de la Grèce de la zone euro et/ou de l’Union Européenne ? La question se pose déjà à l’échelle de la Grèce : un Grexit sera-t-il bénéfique à moyen ou long terme pour l’économie grecque ? Une relance est-elle envisageable ou cela plongerait le pays dans un cercle vicieux d’inflation et de politiques d’austérité ? Un Grexit peut-il créer une instabilité politique et exacerber les tensions sociales ? À l’échelle européenne, y a-t-il un risque de contagion ? Ou les mécanismes mis en place permettront de l’éviter ? Cela fragilisera-t-il l’Union Européenne ou au contraire, la renforcera ? Quels impacts cela aura-t-il sur le marché ? Et sur l’euro ? Quelles seraient les conséquences géopolitiques et politiques d’un Grexit à l’échelle européenne mais aussi à l’échelle mondiale ? Une sortie de la zone euro inciterait-elle d’autres pays européens fragiles économiquement à suivre la même voie ? Autant de questions où les avis sont extrêmement variés et opposés.

 

Tous ces questionnements prennent de l’ampleur au milieu de l’année 2015, à mesure que l’idée de la possibilité d’un Grexit s’impose dans les discussions et que les termes de celui-ci sont débattus et négociés, d’abord dans la sphère financière et les marchés, évoqué pour la première fois par Christine Lagarde lors d’une réunion du G7 le 1er juin 2015, puis à l’échelle politique – le Grexit étant jugé irréaliste en janvier 2015 par Gustav Horn, directeur de recherche auprès de la Hans-Boeckler-Stiftung, un institut proche de la Confédération des syndicats allemands, puis étant au cœur de tous les débats européens à l’été 2015 – puis médiatique et enfin scientifique. En l’espace de quelques mois, elles déchirent l’Europe, comme l’illustre la chronologie ci-dessous obtenue avec Gargantext : il s’agit du nombre d’occurrence du terme « Grexit » dans plus de 380 articles.

Il a donc fallu faire un choix de  problématique, car l’ensemble des problèmes et débats soulevés étaient trop importants et vastes. Néanmoins, chacun des points soulevés nous semblait intéressant à traiter et à comprendre pour mieux appréhender les enjeux d’un Grexit. Il convenait donc de choisir la controverse la plus transverse possible, qui permettait d’évoquer et d’exposer la plupart de ces controverses.

Nous avons donc décidé de nous intéresser aux conséquences qu’aurait eues un Grexit, pour l’Europe et pour la Grèce. L’idée est de s’interroger sur les origines de cette crise et d’essayer de comprendre la signification qu’aurait un Grexit, ou encore l’idée même d’un Grexit : il s’agit de s’interroger sur les acteurs impliqués dans un tel scénario, les modalités d’une telle sortie, et les conséquences à la fois économiques, sociétales et politiques d’un tel événement, ce qui nous permet d’évoquer le Brexit par exemple, autre sujet controversé. Ainsi, les questions sur le sens d’un Grexit pour l’UE nous sont apparues comme centrales, puisqu’elles remettent en cause les fondements même sur lesquels est construite l’Union Européenne. C’est alors posé la question suivante : peut-on penser le Grexit sans remettre en cause les fondements de l’Union Européenne ? Question qui deviendra par la suite notre problématique.

 

13340653_1034688606620727_1108949869_o

Chronologie de la controverse : mise en confrontation des étapes de la controverse avec les faits de la crise
Réalisé à l’aide du site easel.ly

 

  • Remarque sur l’utilisation de Gargantext :

Comme convenu avec Jean-Baptiste PONS et Nassima ABDELGHAFOUR, l’utilisation de Gargantext s’est limitée une aide pour la constitution du corpus et son étude chronologique. Nous n’avons malheureusement pas pu l’utiliser pour faire apparaitre des « clouds », puisque nous n’avons jamais réussi à les obtenir, malgré l’aide de Mr. DELANOE, qui n’a pas su résoudre notre problème. Cependant, malgré cela, il nous est rapidement apparu certains regroupements : ainsi, les « clouds » économique, politique, et social se sont rapidement démarqués sans l’aide de Gargantext, et sont eux-mêmes divisés en  « monde politique grec »,  « monde politique européen » et « monde politique étranger » par exemple. De même, un « cloud » central nous est apparu lors de notre recherche de plan, faisant le lien entre les différentes sphères du problème : il s’agit de la problématique autour de l’euro, qui témoigne de l’évolution de la controverse autour du Grexit comme nous essayerons de le montrer dans ce site.

 

  • Presse et littérature scientifique : constitution du corpus et résultats d’analyse

Nos premiers essais sur les bases de données scientifiques n’ont pas été concluants. Nous avons commencé par réutiliser les mêmes équations de recherche sur Web of Science que celles utilisées sur Europresse et nous avons été extrêmement surpris de constater qu’alors que sur Europresse, le mot “Grexit” seul générait plus de 60 000 réponses, il n’en générait que quelques dizaines sur Web of Science.

Nos équations de recherche sur Europresse :

Mots clefs utilisés Date Nombre résultats
Grexit Toutes les archives 60 043
Grexit + conséquence + économique idem 146
Grexit + conséquences + économiques Idem 600 et quelques
Grexit + brexit idem 1219
Grexit + grève idem 111
Grexit + mouvements sociaux Idem 32
Grexit + violence Idem 283
Grece + euro idem 234873
Gre* + europe + crise idem 600 et quelques
Grexit + dette Idem 5879

 

Cela était en fait très intéressant puisque cela instruit sur la naissance de ce terme et son emploi beaucoup plus journalistique qu’académique. Il s’avère en effet que l’emploi du terme lui-même est controversé et flou. En effet, si le mot est né de la superposition des mots Greece et Exit, cela ne clarifie pas de quoi la Grèce sortirait en cas de Grexit. Est-ce de la Zone Euro, est-ce de l’Union Européenne ? Le Brexit, terme construit de la même manière, signifie quant à lui la sortie potentielle du Royaume-Uni de l’Union Européenne tout entière. L’emploi de la même construction dans le Brexit jette donc bien le flou sur les implications et les retombées du Grexit, notamment dans l’esprit des opinions publiques.

Face à cette tentative non concluante, nous nous sommes alors tournés vers des équations de recherche directement en lien avec notre problématique présentée ci-dessus qui touche aux conséquences d’une sortie potentielle de la Grèce de la zone euro. Les résultats étaient alors beaucoup plus concluants et remontaient plusieurs années avant les premiers articles de notre corpus de presse généraliste qui ne commence qu’après 2010 pour les tous premiers articles, sachant en réalité que le corpus ne commence véritablement qu’après 2012 avec la mise en place du deuxième plan d’aide européen le 12 mars 2012, qui évite de peu la faillite à la Grèce.

Nos équations de recherche sur Web of Science :

  • greece bailout (51 résultat)
  • greece euro exit (7 résultats)
  • greece eurozone (3 résultats)
  • greece + euro + contamination + souveraign debt (une dizaine de résultats)
  • greece + euro + contamination (une vingtaine de résultat)

Nos équations de recherche sur Cairn :

  • greece bailout (29 résultats)
  • greece euro exit (55 résultats)
  • greece eurozone (66 résultats)
  • grexit (26 résultats)
  • grexit consequences (20 résultats)
  • eurozone crise grecque (156 résultats)
  • implications grexit (6 résultats)

À l’inverse, il a été beaucoup plus dur de trouver des articles qui traitaient des conséquences immédiates en 2015 d’un tel événement alors que les déclarations sur ce thème, parfois faiblement étayées, sont beaucoup plus courantes dans la presse généraliste.

Après des équations de recherche croisées sur Web of Science d’une part et Cairn de l’autre, nous avons pu trouver un nombre conséquent d’articles scientifiques traitant des retombées socio-économiques que créerait une sortie de la Grèce de la Zone Euro, événement qui, s’il avait lieu, serait le premier de ce type.