Le 23 juin 2016, tandis que le peuple britannique choisissait le « Leave », les Écossais ont voté à près de 62% pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne : Cela représente 15 points de plus que la moyenne nationale. Ainsi, contrairement aux anglais et aux gallois, il semble que la majorité des écossais se sentent “plus européens que britanniques”. C’est également le cas des irlandais du Nord, qui ont quant à eux voté à 55,8% pour le « Remain ».

Cela témoigne-t-il d’une fracture identitaire au sein du Royaume-Uni ?

 

 

Côté écossais, il semble que certains veuillent rester dans l’UE, et ce quel qu’en soit le prix. La première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, affirme au lendemain du vote:

« Le vote montre clairement que l’Écosse voit son avenir au sein de l’Union européenne »  (Nicola Sturgeon)

Le même jour, RTL Info écrit : « Cela indique que le parti national écossais envisage désormais l’indépendance pour redevenir membre de l’Union européenne. Cela passerait par un nouveau référendum, ce qui avait été promis pendant la campagne. Certains Écossais confiaient leur volonté « de ne pas se faire arracher de l’Europe ». » (Emission d’Yves Calvi, “Vers l’indépendance de l’Ecosse et la réunification de l’Irlande?”, RTL Matin, 24/06/2016)

Une implosion du Royaume-Uni est donc envisagée. Ce n’est cependant pas une surprise totale, au vu des résultats du référendum écossais de septembre 2014, dans lequel 45% des votants adhéraient à l’idée de l’indépendance de leur région.

En revanche, certains experts ne croient pas en une scission du Royaume-Uni, pour des raisons autant identitaires que légales et pratiques. Ainsi, Fiona Simpkins, spécialiste des politiques contemporaines britanniques, déclare: ”À l’heure actuelle, l’Écosse n’est pas en position de rejoindre l’Union européenne en tant que telle, parce que l’UE n’accepte en son sein que les États. Or jusqu’à preuve du contraire, l’Écosse fait partie de l’État britannique.”[1] Cependant, elle n’exclut pas un changement de situation qui entraînerait l’implosion de la Grande Bretagne.

 

 De nombreux journaux écossais ont publié des éditions spéciales au lendemain du vote, aux titres plus provocateurs les uns que les autres: « We’re out » (The Courier), « Be afraid, be very afraid..we’re on our way OUT » (Daily Records). Enfin, selon Al Jazeera, « if Scotland leaves, England will lose the Brexit game ».

 

 

Du côté de l’Irlande du Nord, même déception pour les votants pro-UE, et même volonté, pour certains, de se séparer du Royaume-Uni. En effet, le parti nationaliste irlandais Sinn Féin, partisan du « Remain » et ex-branche politique de l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise), a appelé à un référendum d’unification avec la République d’Irlande, membre de l’UE.

Selon Le Monde,  cette déclaration n’est pas une surprise : Le Sinn Fein, qui réclame une réunification de l’Irlande, avait fait savoir, dès le mois de mars, qu’il demanderait un vote sur la frontière en cas de « Brexit ». Les nationalistes étaient très majoritairement contre une sortie de l’UE, synonyme, selon eux, d’un renforcement de la « partition » de l’île.[2]

Ce que l’on oublie de dire, c’est que ce n’est pas un référendum en Irlande du Nord, c’est pour toute l’Irlande

Cependant, selon Richard Deutsch, professeur à l’université Lyon III et auteur de plusieurs ouvrages sur l’Irlande du Nord, l’unification de l’Irlande est un projet difficilement réalisable : “Nous avons donc aujourd’hui UNE possibilité pour les nationalistes irlandais, les catholiques, de proposer un référendum sur la frontière. […] Mais ce que l’on oublie de dire, c’est que ce n’est pas un référendum en Irlande du Nord, c’est pour toute l’Irlande. Car il faut que Dublin, les Irlandais de la république du Sud, accepte aussi la réunification, et ça c’est loin d’être gagné. “ ( “L’Ecosse et l’Irlande du Nord «victimes» du Brexit“, RFI, 24/06/2016)

Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert-Schuman, affirme :

« L’Irlande est une autre île, dont une région, l’Ulster, est britannique. Cette frontière est pacifiée depuis 20 ans seulement. Il y a une grande interrogation de la part des autorités irlandaises sur cette frontière »

En savoir plus sur Pascale Joannin

Le recours qui avait été demandé par l’Irlande du Nord contre le Brexit a été rejeté en janvier 2017 par la Haute Cour de Justice d’Irlande du Nord, qui estime que les implications de la région étaient trop incertaines à court terme.

En somme, rien n’est exclu: une avancée vers la fédéralisation du Royaume-Uni, une entrée dans l’UE de l’Ecosse… ainsi émerge une question supplémentaire, créée par le Brexit.

 Impact sur le tourisme en Europe

Repenser l’Union Européenne

[1]  Interview de Fiona Simpkins recueillie par Henri Rouillier, “L’Écosse après le Brexit : l’implosion du Royaume-Uni est un scénario vraisemblable”, L’Obs, 01/07/2016

[2] Enora Ollivier, « « Brexit » : les nationalistes d’Irlande du Nord demandent un vote sur la runification de l’île « , Le Monde, 24/06/2016