Des résultats sur bancs différents des résultats sur route

Des émissions en laboratoire représentatives des émissions réelles ?

Le dieselgate a mis sur le devant de la scène les procédure d’homologation des véhicules diesel. L’un des grands enjeux des tests effectués sur ces derniers est leur représentativité, c’est-à-dire leur capacité à reproduire fidèlement une situation réelle pour pouvoir anticiper les émissions des véhicules en utilisation.

Le cycle NEDC, un cycle de conduite vieillissant

La grande diversité des conditions d’utilisation rend difficile l’élaboration de tests représentatifs et pertinents. Actuellement, et depuis 25 ans, l’homologation se fait sur banc d’essai en suivant le cycle NEDC (« New European Driving Cycle »). Elaboré dans le but d’imiter de manière reproductible  les conditions rencontrées sur les routes européennes, il définit un profil de vitesse à suivre lors des tests. Ce cycle dure près de vingt minutes, et couvre une distance totale de onze kilomètres. Afin de rendre compte de différentes situations, le NEDC est divisé en deux parties : un premier cycle urbain, et un second extra-urbain.

Profil de vitesse pour le NEDC (source: contact anonyme)

Cependant, pour les organismes homologateurs comme pour les associations environnementales, le problème principal du NEDC est sa faible représentativité. Selon un rapport de l’ADEME publié en juin 2014,

« Le cycle NEDC utilisé pour la vérification du respect des normes Euro n’est pas représentatif des émissions des véhicules lors de leur usage réel, ce qui conduit à sous-estimer, entre autres, les émissions de NOx des voitures Diesel »

Une différence flagrante entre essais sur banc et sur piste

Après la révélation de l’affaire Volkswagen, Ségolène Royal a mis en place une commission indépendante, dont le rapport a été publié en juillet 2016. En appliquant le cycle NEDC à un véhicule sur piste d’essai plutôt que sur un banc, les mesures d’émissions polluantes sont considérablement changées. Pour certains véhicules, les émissions sont plus de cinq fois supérieures aux émissions maximales obtenues pour le cycle sur banc.

On peut lire dans le rapport :

« Les résultats obtenus montrent que de nombreux véhicules émettent, lors de l’essai sur piste, beaucoup plus de NOx que la limite fixée en application des normes Euro, confirmant ainsi l’écart important constaté entre essais réalisés sur bancs à rouleaux et essais effectués sur piste. »

Emissions de Nox obtenues pour le cycle NEDC effectué sur piste (source: Rapport Royal)

Une perspective d’évolution : le WLTP

Ce manque de représentativité était déja connu de tous les acteurs du dieselgate avant la naissance du scandale, comme le montre la citation de l’ADEME plus haut. Pour y remédier, la commission européenne élabore donc depuis 2011 deux nouvelles procédures de test, le WLTP et le RDE, qui entreront en vigueur en Septembre 2017 et qui auront en plus l’avantage d’harmoniser les tests à l’échelle mondiale.

Le WLTP (Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedure ) définit un nouvel ensemble de procédures destinées à mesurer les émissions d’un véhicule lors de son homologation. Il comporte entre autres un nouveau cycle de conduite sur banc d’essai, c’est à dire un profil de vitesse suivi par les véhicules homologués. Ce nouveau cycle porte la dénomination WLTC ( Worldwide harmonized Light vehicles Test Cycle ).

Un cycle plus réaliste

Profil de vitesse pour le WLTP (Source: EcoMobiListe 2014)

Si on le compare au cycle NEDC, le cycle WLTC balaie sur 23,5 km un éventail de vitesses plus large puisqu’il est décomposé en quatre parties : basse, moyenne, haute et très haute vitesse, contre deux pour le cycle NEDC. L’objectif est de tenir compte de toutes les configurations rencontrées en roulage réel, et donc d’être plus représentatif de la réalité. On remarque également que le profil est bien moins lisse et régulier que le profil du cycle NEDC, ce qui témoigne d’une plus grande fidélité au roulage réel selon le spécialiste en systèmes de dépollution que nous avons rencontré. Les accélérations sont en fait plus franches et la vitesse maximale atteint 131 km/h, ce qui correspond bien à la conduite réelle.

Toutefois, le WLTC demeure un cycle sur banc d’essai et ne peut donc être totalement fidèle au réel, en partie parce que la réalité, variable, ne peut être unifiée en un seul cycle. Pour répondre au mieux à ce problème le WLTC est complété par un cycle sur route, le RDE, qui est lui bien plus proche du réel.

Pour y remédier, la nouvelle procédure WLTP sera associée à un test sur route, le RDE (Real-Driving Emissions), qui entrera également en vigueur en Septembre 2017. Ces deux tests sont ainsi complémentaires.

Un test qui reflète les conditions de roulage réelles

Véhicule équipé d’un PEMS

Le test RDE est effectué sur un circuit ouvert, c’est à dire un circuit sur route, qui n’est pas le même pour tous les véhicules. La réglementation impose uniquement que le circuit fasse au total 90 kilomètres et soit composé pour un tier en milieu urbain, un tier en milieu rural, et un tier sur autoroute, mais le parcours n’est pas imposé. Le profil de vitesse n’est plus imposé également: le conducteur doit seulement conduire “normalement”, sans exagération ni dans un sens ni dans l’autre.

Ce type de test est réclamé depuis plusieurs années par les associations environnementales telles que l’association française FNE (France Nature Environnement) ou l’ONG T&E (Transport & Environment) car ils “s’approchent de la réalité”, selon les mots de Charlotte Lepitre, coordinatrice santé et environnement à la FNE que nous avons rencontré. On peut en effet constater sur le graphe ci dessous que les valeurs d’émissions obtenues lors du test RDE sont jusqu’à 56% supérieurs à celles obtenues avec l’ancien cycle NEDC. Ces valeurs ont été obtenues par le groupe PSA, qui a réalisé des tests RDE sur la quasi totalité de ses modèles sous la surveillance de l’ONG T&E et du Bureau Veritas, société d’inspection, d’audit et de tests.

Consommation NEDC vs RDE (source: Automobile Propre)

Cependant, les mesures d’émission sont faites par un système de mesure portable nommé PEMS (Portable Emissions Measurement System), qui pèse près de 50 kg. Il influe donc nécessairement sur les émissions du véhicule. Malgré tout, constructeurs, associations gouvernementales et homologateurs s’accordent à dire que ce test demeure le test le plus représentatif de la réalité qui ait existé jusqu’alors. C’est d’ailleurs pour cette raison que PSA a entrepris de tester ses véhicules sur le cycle RDE avant son entrée en vigueur et de publier les résultats d’émission. L’objectif pour le constructeur est de regagner la confiance des consommateurs à la suite du scandale Volkswagen en faisant preuve de transparence.

Lire la suite: La place laissée à l’interprétation

Sources :

ADEME. (2014). Emissions de particules et de NOx par les véhicules routiers.

Compte rendu entretien Céline Vallaude UTAC CERAM. (2017, mai).

Emission Test Cycles: WLTC. Dieselnet.com

Entretien avec un expert en système de dépollution

Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer. (2016). Rapport Royal (Dossier de presse).

Procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers. (2016, août 31). In Wikipédia.

Transport & Environment. (2014). Briefing : Manipulation of fuel economy test results by carmakers : further evidence, costs and solution. Transport & Environment.

WLTP & RDE des Normes plus Réalistes. Kilometresentreprise.com