Plusieurs homologateurs pour une seule homologation

L’homologation des véhicules soulève de nombreuses questions en raison de la diversité des organismes homologateurs et de leur portée européenne.

Qui homologue les véhicules ?

Rappelons le rôle des homologateurs des pays de l’Union Européenne. Avant d’être mis en circulation sur voie publique d’un pays de l’UE, les nouveaux modèles de véhicules automobiles doivent être homologués dans un état membre, c’est à dire testés conformément aux normes de pollution entre autres. Une fois l’homologation réalisée, ils peuvent être commercialisés dans les 28 pays de l’UE. En France, l’Utac-Ceram est l’unique organisme homologateur. C’est un service technique privé du CNRV.

Ce dernier est un service public spécialisé du ministère de l’Environnement qui délivre l’homologation finale. Le statut et le nombre des homologateurs peut différer selon chaque pays.

Les constructeurs automobiles homologuent-ils leurs modèles dans leur pays ?

Selon une responsable de l’Utac-Ceram, l’homologation nationale est préférable, en raison d’une proximité entre les centres d’homologation et les centres techniques des services techniques automobiles. De même, le problème de la barrière de langue est évité et permet une bonne communication entre les deux acteurs.

Par exemple, PSA homologue tous ses véhicules en France, à l’exception de ceux issus des partenariats avec des constructeurs automobiles étrangers. On assiste à un discours parallèle du côté de l’Utac : le parc de véhicules à homologuer est plein de produits de Renault et de PSA.

C’est ainsi que l’Utac affirme n’avoir homologué aucun véhicule Volkswagen, mais ce cas là ne saurait être généralisé : on observe en réalité de véritables délocalisations des organismes homologateurs. Pour des raisons d’implantation géographique des bureaux d’études de constructeurs, un grand nombre d’homologations est délivré par un petit nombre de pays : l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni.

Il existe aussi des pays qui choisissent de travailler majoritairement avec d’autres pays. Dans un pays comme le Luxembourg, la taille réduite de l’industrie automobile contraste avec l’activité élevée du SNCH, qui parvient à agréer une vingtaine de modèles par an.

Des homologateurs équivalents ?

D’un point de vue juridique, toutes les homologations nationales sont équivalentes. Cependant, selon un rapport de l’Assemblée Nationale, il pourrait exister des conséquences néfastes. Ainsi y est-il inscrit que

« […] ce système peut receler un effet pervers : un constructeur pourra chercher à faire homologuer ses voitures dans un État où la procédure de réception est moins chère ou moins sévère. »

Ce n’est pas de l’avis d’un responsable de l’Utac-Ceram.

Selon lui, les organismes ont déjà assez de demandes ; il serait inutile pour les homologateurs d’abaisser officieusement leurs exigences. Chez PSA, « on ne joue pas à ce genre de petits jeux », affirme un responsable. L’homologation étant réalisée en France, il n’y a pas d’exploitation de failles dans le niveau d’exigence des homologateurs, mais l’existence de disparités d’exigences n’est pas remise en questionneur autant. Il est possible qu’à l’échelle de l’Europe, tous les homologateurs ne respectent pas les mêmes exigences.

Un système qui ouvre la voie au protectionnisme 

A l’heure actuelle en Europe, seul l’état membre dans lequel le véhicule a été homologué peut attaquer un constructeur en justice  pour fraude. Par conséquent, cela peut ouvrir la voie à une forme de protectionnisme de la part des états proches de certaines constructeurs nationaux. C’est en tous cas ce qu’avance Laurent J. Masson, consultant en ecologie automobile, à propos de Renault. L’état français possédant 20% du capital de Renault, il n’a aucun intérêt selon lui à nuire à la marque. L’affaire Volkswagen a montré en effet qu’un tel scandale a des conséquences économiques et des conséquences en terme d’image pour le constructeur impliqué.    

Pourrait-on pallier à ces problèmes par un organisme européen qui serait le seul à effectuer les tests d’homologation ?

Selon un responsable de l’Utac, c’est impossible. Il devrait, pour faire face à la demande, réunir autant de moyens et de structures que celles déjà existantes chez tous les organismes homologateurs en UE.

Cependant, une refonte du système et des liens entre constructeurs et services techniques est en cours. Il n’y a actuellement pas d’arbitrage par un organisme européen. Or l’indépendance des services techniques est remise en cause par un rapport de l’Assemblée Nationale, car les organismes sont rémunérés directement par les constructeurs. Il y a donc une volonté européenne de couper le lien financier entre les constructeurs et le service technique en passant par l’Etat, de contrôler et éventuellement de sanctionner les services techniques.

Drew Kodjak, directeur exécutif de l’organisation ICCT,  recommande à la commission européenne d’instaurer un arbitrage de ce type. Il conseille de mandater une autorité nouvelle capable de réaliser en toute indépendance des tests poussés, sur le modèle de ce qui se pratique aux États-Unis. L’obstacle à un tel système est avant tout financier, puisque selon l’ICCT, inspecter trois voitures coûte environ cent mille dollars.

C’est pourquoi Mr Carlier, délégué général à la CLCV, estime qu’un système de contrôle européen est difficilement applicable avec l’austérité budgétaire. De même, l’Utac-Ceram est favorable à une coordination des tests d’homologations, mais le responsable questionné estime que sa mise en place n’est sûrement pas prochaine.

Sources :

CCFA. Le point sur la procédure d’homologation des véhicules.

Enquête sur le grand micmac des homologations de voitures. (2016, février 8). Les Echos

Entretien avec un expert en système de dépollution.

Entretien avec Mr Carlier, délégué général à la CLCV

N° 3485 – Rapport de M. Michel Lesage sur la proposition de résolution européenne de Mme Danielle Auroi, rapporteur de la commission des affaires européennes sur la révision des procédures de mesure des émissions de polluants atmosphériques automobiles (n°3396) – assemblée-nationale.fr