Les normes évoluent-elles trop vite ?

Les normes Euro fixent sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne les seuils maximaux d’émissions de gaz polluants et de gaz à effet de serre par les véhicules. Celles-ci sont revues régulièrement dans le sens de leur durcissement.

Or, chaque évolution de ces normes implique l’utilisation de nouvelles technologies par les constructeurs, et donc des investissements supplémentaires doivent être faits afin de les respecter. Prenons l’exemple du passage de la norme Euro 4 à la norme Euro 5. Lors de cette transition, le seuil d’émission de particules de taille moyenne a été divisé par cinq. Le respect de cette nouvelle norme a nécessité une généralisation du filtre à particules, une amélioration de l’efficacité de l’échangeur EGR,  et une optimisation du système de combustion et d’injection.

Qu’en est-il de la transition entre Euro 5 et Euro 6 ? Selon un expert de conception des systèmes dépollution de l’industrie automobile française, la difficulté majeure pour les constructeurs a été les seuils d’émissions de NOx, qui sont ainsi divisés par un facteur 2,3. Pour la surmonter, l’utilisation de la SCR a été nécessaire (voir le fonctionnement ici )

Voici une mode de visualisation de l’évolution des normes présenté par l’expert :

Les normes sont-elles trop strictes ?

Non, répond un employé de l’UTAC CERAM. Les constructeurs automobiles ne sont pas du même avis, les évolutions des normes deviennent trop fréquentes. Auparavant, le temps caractéristique de leur évolution était de cinq ans, alors qu’il tend désormais vers trois ans. Et

« 3 ans, ça tue l’industrie automobile »

selon les mots de l’expert.

Quelles conséquences économiques ?

Une fréquence élevée d’actualisation des normes impose de plus grands investissements pour les respecter. Le respect des normes a un prix : le SCR impose un surcoût de 200 à 500 euros par voiture, qui n’est pas répercuté sur le prix de vente, d’autant plus que le respect des seuils d’émissions de NOx n’est pas valorisé par les clients.

Un des points le plus discuté et le plus critiqué dans l’application de nouvelles méthodes de tests est un seuil de tolérance, nommé « facteur de conformité ». Cette marge s’applique au test RDE, et a été fixé à 2,1 par la Commission européenne. Alors que la norme Euro 6 fixe actuellement la limite à 80mg/km, cette tolérance signifie que lors d’un test de type RDE, un véhicule diesel peut émettre jusqu’à 168 mg/km. Ce facteur sera abaissé à 1,5 à partir de 2020.

Mais ce facteur de conformité fait débat. D’un côté, les associations environnementales jugent qu’il est trop élevé, et que le parlement européen fait un cadeau aux constructeurs sous la pression de ces derniers. A titre d’exemple, Charlotte Lepitre, coordinatrice santé et environnement à la FNE, juge cette norme “laxiste”, estimant qu’elle permet des dépassements beaucoup trop importants. D’autres critiquent l’absence d’ambition des Etats membres de l’UE, et l’influence des constructeurs. Ainsi M. Cuenot, représentant l’ONG européenne Transport et Environnement (T&E), déplore que « certains d’entre eux restent sous l’emprise des constructeurs automobiles ». Il critique l’adoption des facteurs 2,1 au lieu de 1,6 à court terme, 1,5 au lieu de 1,2 à moyen terme, d’autant plus que certains constructeurs parviennent déjà à satisfaire au facteur de conformité de 1,5.

Cependant, des constructeurs peinent à suivre l’évolution des normes d’émission qui s’est accélérée.  Ainsi l’ACEA ne pense pas que le Parlement européen se montre actuellement trop souple avec les constructeurs.

« Cette nouvelle réglementation constitue un défi majeur pour l’industrie, du fait d’exigences plus strictes lors des tests d’homologation. Il sera très difficile d’atteindre ces objectifs dans le bref délai imparti. »

estime Erik Jonnaert, Secrétaire général de l’ACEA.

En fait, le débat concernant ce facteur de conformité dépasse la seule question environnementale. En effet, le fait d’établir une norme puis de de permettre une dérogation à cette norme est jugée par certains comme une enfreinte au droit communautaire. C’est la position du Groupe Europe Écologie à Strasbourg qui estime que le Parlement européen se soumet à un acte de la Commission européenne et des États-membres jugé illégal.

« S’il s’agit de signifier que la norme est intenable par les constructeurs, alors il suffit de voter de modifier la législation. Mais il est inacceptable de la contourner de la sorte. La grande coalition sape une nouvelle fois la crédibilité des institutions européennes en manquant à sa mission de protéger les citoyens des méfaits du diesel sur la santé.”

estime Karima Delli, membre Verts-ALE de la commission Transports et de la commission d’enquête sur les infractions à la législation relative aux émissions polluantes du secteur automobile. Pour le spécialiste des systèmes de dépollution que nous avons rencontré, ces facteurs de conformité ne sont pas des dérogations à la norme mais des facteurs permettant d’adapter les taux d’émissions maximaux à un test en conditions réelles, plus exigeant qu’un test sur bancs. En dépit de ses qualités de représentativité, le test RDE crée donc le débat.

Voir la suite: Polluant ou gaz à effet de serre?

Sources :

Assemblée Nationale.  Mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale.

Entretien avec un expert en système de dépollution.

Eric Bergerolle. (2016, février 3). Le Parlement européen autorise le Diesel à dépasser les normes. Challenges

Fondation Nicolas Hulot. (2017, mars 26). L’Europe doit mettre fin au dieselgate.