En France, la Loi Barnier et la Charte de l’Environnement constituent la référence législative pour le principe de précaution. Écrites à dix ans d’intervalle, ces deux lois présentent de subtiles nuances, qui peuvent amener des divergences ou des combinaisons d’interprétations suivant les cas, le dernier mot étant réservé à la Charte de l’Environnement, puisqu’inscrite dans la Constitution ; pour la même raison, la vision de la Charte est prééminente par rapport à toutes les autres lois nationales ou décisions internationales. Par décision du conseil constitutionnel, ses dispositions s’appliquent et s’imposent à toutes les autorités publiques compétentes.
La question se pose de déterminer de champ de compétence du principe de précaution tel que défini en France : la Loi Barnier et la Charte de l’Environnement le restreignent clairement au domaine environnemental, cependant on peut noter que l’urbanisme, de par les liens étroits qu’il entretient avec les considérations environnementales, peut désormais être concerné ; en outre, le principe de précaution s’applique dans la pratique aux enjeux sanitaires, en particulier les médicaments, l’alimentation, etc. Néanmoins, cette récente évolution n’a pas encore été sanctionnée par la loi française, aussi les juges se contentent pour l’instant de justifier certaines décisions par des "obligations de précaution".
On peut également remarquer que les juges évitent jusqu’à présent toute interprétation hyperbolique du principe de précaution, et n’en font pas une maxime de vie adaptable à toutes les situations ; à ce titre, l’interdiction des pistolets à impulsion électronique Taser au nom du principe de précaution a été rejetée.
Le principe, tel que formulé par la Charte de L’Environnement, se rapproche davantage du principe de prévention que du principe de précaution, puisque l’incertitude scientifique admise porte sur la réalisation des dommages, et non sur la nature ou l’existence même des dommages potentiels. La communication de la Commission Européenne en 2000, qui notifie des lignes directrices pour l’application du principe, précise également que :
Dans la pratique, les juges peuvent parfois s’autoriser du principe de précaution dans des cas où le danger est mal connu, ou quand le lien causal entre les effets non souhaités et le phénomène ou produit incriminé est non confirmé. À l’inverse, quand l’incertitude sur le risque est de nature statistique et non scientifique, la situation relève du principe de prévention, au sens politique du terme.
Toute décision fondée sur le principe de précaution doit, selon cette communication, obéir à un certain nombre d’exigences :
L’essence du principe de précaution, dans sa théorie du moins, n’est donc pas l’immobilisme : c’est un appel à l’action, passant en priorité par la mise en place de procédures d’évaluation des dangers et des risques pour sortir de la situation d’incertitude, et le dialogue entre les experts et les autorités, dans le cadre d’une processus dynamique et réactif. Une mesure dictée par le principe de précaution est nécessairement provisoire, dans l’attente d’une justification ou d’une invalidation par la science.
L’autre aspect essentiel du principe de précaution est la proportionnalité entre les dispositions prises et le niveau de protection recherché par les autorités. Ce niveau de risque acceptable tenant à une décision des acteurs politiques, la proportionnalité leur permet de conserver une certaine latitude dans l’application du principe de précaution – et ainsi fait de cette application le fruit d’une décision également politique.