Eyjafjallajökull - Fallait-il fermer l'espace aérien ?
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Les leçons du volcan islandais

L’aviation mondiale n’a jamais connu un tel événement ! Rien d’étonnant à cela, car il existe très peu d’espaces aériens aussi denses que celui de l’Europe », soulignait Patrick Gandil, directeur général de l ’Aviation civile, le 23 juin dernier, devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale.

Confrontée aux conséquences de l’éruption, à la mi-avril, du volcan islandais Eyjafjöll, la DGAC – dans le cadre de la cellule ministérielle de crise – a choisi la voie du pragmatisme. Objectif : dénouer le plus rapidement possible cette crise sans précédent.

Une crise qui se déroule en deux temps. Le 15 avril, les premières informations du Centre d’observation des cendres volcaniques de Londres font état de la présence de cendres descendant progressivement sur le nord de l ’Europe. En fin de journée, une solution s’impose: fermer l’espace aérien français. « Au début, nous manquions d’éléments techniques précis pour déterminer la concentration de cendres dans la zone de risques potentiels et pour évaluer les dangers que ces cendres représentaient, explique Gervais Gaudière, adjoint au directeur du cabinet de la DGAC. Nous n’avions pas d’autre alternative que d’interpréter de la façon la plus conservative les préconisations de l’OACI et donc de restreindre le trafic aérien au nord, avant d’étendre la mesure vers le sud avec l’extension de la zone de risques.»

En cellule de crise, les directions de la DGAC – en relation avec l’ensemble des acteurs concernés – constatent l’imprécision des cartes de dispersion des cendres, élaborées à partir de modèles mathématiques et fournies par le Centre de Londres.

Ouverture de corridors

Durant quatre jours, l’espace aérien français est pratiquement paralysé. Le déblocage de la crise survient dans un deuxième temps. En effet, sous l’impulsion du directeur général de l’Aviation civile, après des vols d’essai réalisés dès le 18 avril par Air France, des corridors sont ouverts.

Les examens boroscopiques très précis, réalisés dans les moteurs, et les comptes rendus des pilotes ne relèvent aucune trace de cendres significative. La DGAC décide donc, à la différence de ses homologues européennes, d’ouvrir les premiers corridors au trafic aérien à partir du 19 avril. La desserte des aérodromes de Toulouse, Marseille, Nice et Bordeaux offre des points d’entrée dans l ’Hexagone vers Paris aux milliers de passagers bloqués hors métropole. Impliqués dès le début de la crise pour gérer les fermetures d’espace, les centres de contrôle de la navigation aérienne font alors face à une organisation des routes aériennes atypiques qui complique leur tâche. La compatibilité entre cette gestion par corridors et le réseau de routes classique sera rapidement recherchée.

Le réacheminement des voyageurs vers leur destination finale commence, notamment grâce au déploiement de solutions de transports intermodales, sous l’égide des préfectures.

La mobilisation des compagnies, qui affrètent des vols supplémentaires, accélère le retour vers la métropole des passagers. Le 22 avril, vingt vols sont ainsi mis en place sur les destinations les plus critiques: outre-mer, Chine, Thaïlande… Moins d’une dizaine de jours après le début de la crise, la totalité des 150000 passagers bloqués ont enfin pu rejoindre la métropole.

Riche en enseignements, cette crise va permettre, entre autres, de gérer avec plus de souplesse l’arrivée de nouvelles cendres sur le sud de la France, le 7 mai. Cette fois, l’espace aérien ne fermera pas suite aux vols tests et à l’élaboration de cartes météo présentant une échelle de densité de cendres plus graduée.

Des solutions pour le futur

« La coordination au plan européen a permis d’articuler au mieux les actions des États dans le respect de leur souveraineté vis-à-vis de leur espace aérien », précise Gervais Gaudière.

L’éruption volcanique a aussi fait émerger une nécessité : la mise en commun des connaissances accumulées à cette occasion par les motoristes, les avionneurs, les vulcanologues ou encore les météorologues. « Concernant les informations provenant des centres météo, il a été demandé que les cartes soient plus facilement lisibles et exploitables, et que l’utilisation de lidars soit étendue», explique Patricia Louin, directrice de cabinet à la Direction de la Sécurité de l’Aviation Civile.

Sollicités par les autorités, les constructeurs ont, par ailleurs, établi dans l’urgence un seuil limite estimé de concentration des cendres de 2mg/m3. Cette estimation devra être affinée et confirmée par des études et essais. Enfin, cette crise a dévoilé le manque d’informations en temps réel des pilotes. « Comme les cendres n’étaient pas visibles à l’œil nu et que les cartes des centres météo étaient difficiles à exploiter, les pilotes se posaient des questions sur la présence ou non de cendres », souligne Patricia Louin.

Des solutions dans le domaine de l’avionique devraient donc être étudiées pour développer, par exemple, des capteurs capables de détecter la présence de cendres.

De son côté, la direction des opérations de la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA/DO) avait établi un plan de prévention des cendres volcaniques, dès 2007. Elle « était prête à gérer les événements liés à l’éruption du volcan islandais au niveau opérationnel », note Jean-Michel Boivin, directeur de cabinet de la DSNA. À l’épreuve des événements, ce plan a été amendé progressivement et finalement remplacé par une série de consignes opérationnelles pour les contrôleurs aériens: règles de fermeture de l’espace aérien, phraséologie à adopter dans la fourniture des services de contrôle et d’ information de vol, modalités de report des signalements de cendres.

Avec la sécurité comme priorité absolue, les contrôleurs ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités. Ils ont dû progressivement s’adapter aux évolutions mises en œuvre par la DGAC pour rouvrir l’espace. En effet, ces consignes étaient élaborées “à chaud”, au fur et à mesure de l’évolution de la situation, alors que des procédures écrites et approuvées –assurant la cohérence de la chaîne pilote/contrôleur – nécessitaient une longue élaboration commune par les directions de la DGAC concernées.

En dépit d’une coordination quasi-permanente de la DSNA/DO avec la CFMU et les prestataires de services voisins, la tâche des contrôleurs a été compliquée par la diversité des mesures appliquées par les centres de contrôle étrangers adjacents.

Le 21 mai 2010, l’épisode volcanique est officiellement terminé pour l’aviation civile. Eyjafjöll aura permis d’identifier les domaines dans lesquels la connaissance en matière de cendres volcaniques reste à approfondir et de démontrer la pertinence de l’approche pragmatique française.

D’ailleurs, Dominique Bussereau, ancien secrétaire d’État chargé des Transports, concluait ainsi son audition à l’Assemblée nationale, le 8 juillet :

« Aujourd’hui, le temps de la fermeture totale de l’espace aérien en cas d’éruption volcanique en Europe s’avère, sauf cas vraiment exceptionnel, révolu. »

(Les leçons du volcan islandais, Aviation Civile (le magazine de la Direction Générale de l'Aviation Civile), n°355, Henri Cormier, décembre 2010)

Dernière mise à jour le 08/05/2011 par Groupe.

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