Une opposition forte entre mesures incitatives et coercitives

En 2011, la loi Fourcade, perçue comme un correctif de la loi HPST, supprime quelques mesures introduites par cette loi comme le Contrat Santé Solidarité au motif qu’elles étaient difficilement applicables et surtout mal vécues par les médecins libéraux.

Les critiques adressées à cette loi soulèvent la frilosité des politiques à contraindre les professions de santé. En effet, toutes les propositions visant à instaurer des contraintes pour orienter le choix de l’installation ont été abandonnées avant d’entrer en application. Cela a été le cas de la baisse de 20 % de la participation aux cotisations sociales de l’Assurance maladie en zones sur-dotées (prévues dans l’avenant conventionnel 20 de 2007), de l’interdiction d’installation en zones sur-dotées sous peine de déconventionnement (loi HPST de 2009) ou de l’obligation, pour les médecins exerçant en zones sur-dotées, de contribuer à la permanence des soins de la population de déserts médicaux (loi HPST).

Les professions de santé semblent donc aux yeux de certains critiques (des patients notamment) exercer un pouvoir politique important. Par leur forte présence à l’assemblée nationale, certains les accusent de lobbying. Ainsi, dans un virulent pamphlet éloquemment intitulé La France malade de ses médecins, Jean Peneff, sociologue reconnu de la médecine, interpelle la « politisation » d’une profession bénéficiant et abusant de relais politiques. Le nombre de mandats électoraux, en particulier parlementaires, détenus par des médecins en exercice ou non, sert d’indicateur (parmi d’autres) de mesure de la puissance de feu politique de la profession médicale.

Pour échapper aux contraintes, les médecins évoquent souvent la Charte de la Médecine libérale de 1927 qui énonce un principe fondamental défendu avec ardeur par les professions de santé : la liberté d’installation des médecins. En vertu de ce droit fondamental, les politiques publiques ont bien du mal à contraindre les médecins exerçant en libéral à s’installer en zone déficitaire et les mesures coercitives sont difficilement acceptées. Le président de la coordination des hôpitaux de proximité, Michel Antony, estime pourtant que la liberté d’installation «  n’est défendable ni sur le plan éthique, ni sur le plan politique, ni sur le plan social, ni sur le plan sanitaire».

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) s’est lui aussi exprimé sur le sujet. Dans un ensemble de propositions publiées en 2012 dans le Quotidien du médecin, le Dr Michel Legmann, président de l’Ordre, déclare :

                    Constatant l’échec de toutes les mesures incitatives, nous préconisons des mesures de régulation de l’installation pour améliorer l’adéquation de l’offre avec les besoins de la population.

Favorable aux mesures coercitives, le CNOM émet ainsi la proposition qu’à l’issue de son post-internat, un médecin désireux d’exercer (en libéral, en salarié ou en hospitalier) soit tenu de le faire pendant cinq ans dans la région de délivrance de son diplôme.

Pierre Savignat, ancien élève de l’Ecole des Hautes Etudes de Santé Publique, maître de conférence à l’Université Pierre-Mendès France et Membre du conseil scientifique de l’ANESM et le la Société Française de l’Evaluation, propose quant à lui d’utiliser des voies contractuelles plutôt que des mesures contraignantes. Il juge en effet que la procédure de contractualisation favorise la discussion et peut déboucher sur des propositions équilibrées (en termes de contreparties notamment).

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