Le « bio » est devenu un mode de consommation en vogue dans les pays occidentaux, c’est en tout cas ce qu’affirme l’Agence Bio. En 2018 ce sont près de 90 % des français qui consomment des produits issus de l’agriculture biologique et 75% affirment le faire de manière régulière. En 2018, ce marché concentre 9,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec une croissance de plus de 15 % par rapport à 2017.(« Les chiffres clés – Agence Bio », s. d.)

Un ingrédient bio, qu’est-ce que c’est ?

Un ingrédient « bio » est un ingrédient issu de l’agriculture biologique. C’est donc un type d’agriculture, c’est-à-dire un mode de production, qui permet de qualifier ce qui est proposé à l’achat aux consommateurs.

La définition de l’agriculture biologique repose sur des principes ensuite traduits à travers la législation. Il existe ainsi plusieurs manières d’appréhender le « bio », selon les critères et les exigences considérés.

Après avoir été introduite en France au milieu du XXème siècle, l’agriculture biologique est depuis 1991 coordonnée par une réglementation européenne généralisée (règlement CEE 2092/91 du 24/06/1991). Les lignes directrices de l’agriculture biologique sont : une gestion durable des méthodes de production, le respect de la biodiversité ainsi que la mise en vente de produits respectueux de la santé et de l’environnement. Il s’agit donc de concilier les principes de l’agriculture biologique avec un cahier des charges applicable à l’agriculture et à la production agro-alimentaire et industrielle.(« Qu’est-ce que l’agriculture biologique ? », 2018)

L’industrialisation de la bio

« Pour résister à la récupération par les agro-industriels, la bio n’a-t-elle d’autre voie que de se placer sur leur terrain (concurrence, productivisme, course au profit, etc.) et d’accepter les modèles et les comportements qu’elle a longtemps rejetés au risque de perdre sa spécificité? »

C. Le Noallec

Dans un article du Monde Diplomatique (Le Noallec, 1999), C. Le Noallec, présidente de l’association Union des consommateurs de la Bio (UCBio),  s’insurge contre la manière dont laquelle le bio est commercialisé et industrialisé par les entreprises à la fin des années 90. Elle critique une absence de « choix » pour le consommateur qui, alors qu’il croit être maître et conscient des produits qu’il achète et consomme, est en réalité berné par les stratégies de distribution. Les labels et étiquettes ne sont donc pas suffisamment transparents.

Les industriels de la bio souhaitent quant à eux démocratiser la consommation de produits bio en cassant les prix par une industrialisation de sa production, au risque d’aller à l’encontre des principes de ce type d’agriculture. (Le Noallec, 1999)

Certains industriels justifient l’utilisation d’additifs ou de produits d’origine non biologique par un manque de ressources biologiques, par un label Biocoop (critères plus nombreux que le label AB) ou par la future évolution du producteur vers le 100% bio. En effet, sur le site officiel du ministère français de l’agriculture est fait mention de la présence d’ingrédients non biologiques dans un ingrédient labellisé « agriculture biologique ». Il est précisé qu’il est possible sous certaines conditions spécifiées dans l’article 29 du règlement (CE) n° 889/2008, d’obtenir une dérogation permettant l’ajout d’ingrédients non biologiques dans une proportion inférieure à 5%, sous réserve que cet ingrédient ne soit pas disponible sur le marché en qualité biologique et qu’il ne soit pas spécifiquement mentionné comme interdit.

L’utilisation des carraghénanes en agriculture biologique a donc été introduite et justifiée par certains industriels grâce à cette dérogation : impossibilité de remplacer l’ingrédient par une version biologique ou encore promesse d’une utilisation temporaire en vue d’une transition progressive vers le 100% bio.(Le Noallec, 1999)

De plus, le bio est en passe de devenir  une alimentation en vogue , avec un CA de près de 10M d’euros en 2019. On distingue un détail de 4 axes chez les fournisseurs d’ingrédients du CFIA 2019 (Carrefour des Fournisseurs de l’Industrie Agro-alimentaire) : « le bio, le clean label, le végétal et l’amélioration nutritionnelle ». (Dereuder, 2019)

« Le sans additif ou sans ingrédient controversé reste un sujet clé, surtout à l’heure où les applications type Yuka ou «Y a quoi dedans» influencent les achats. »

Dereuder, 2019

Et les carraghénanes, sont-ils « bio » ?

En ce qui concerne les carraghénanes, ceux du type E407 sont autorisés dans l’agriculture biologique via l’annexe VIII du règlement N°889/2008 (ce qui n’est pas le cas des carraghénanes E407-a). E407 désigne les carraghénanes raffinés et E407-a les carraghénanes semi-raffinés. Cependant, ils ne sont autorisés que dans les produits végétaux et lactés et non dans les produits carnés.

L’association de consommateurs UFC Que Choisir a procédé à un classement des additifs existants sur le marché de la distribution en attribuant des notes de 1 à 4 (1=acceptable ; 4=à éviter). Les carraghénanes (E407) obtiennent la note de 2 (tolérable, vigilence pour certaines populations).

« Additif pour lequel les données disponibles sont insuffisantes ou additif associé à l’un des cas suivants : allergie possible chez les personnes sensibles, désagréments intestinaux si consommé à forte dose, possible dépassement de la dose journalière admissible (DJA) chez les forts consommateurs de produits vecteurs, étude(s) ponctuelle(s) évoquant un effet indésirable/néfaste. »

« Évaluation  Additifs alimentaires 2019 – UFC-Que Choisir » s. d.

De plus, l’UFC-Que Choisir indique que cet additif n’est pas répertorié parmi les 39 additifs autorisés en bio mais parmi ceux uniquement autorisés dans les produits laitiers (« Évaluation Additifs alimentaires 2019 – UFC-Que Choisir » s. d.). Il est à noter que cette différenciation est spécifique à l’agriculture biologique.

Selon l’association de consommateur, ce classement a été établi en rassemblant un ensemble de sources dont des avis scientifiques de l’EFSA, des données scientifiques provenant de la Food Additives Database de la Commission Européenne ainsi que des publications scientifiques. Une équipe de travail a aussi été constituée, comportant des ingénieurs aux formations scientifiques et présentant une expérience professionnelle.

Il est également précisé que ce classement a été établi dans le but de pallier les limites d’évaluation des additifs par l’EFSA qui ne dispose que d’une collection de données limitées et qui ne considère pas certaines études scientifiques pour des raison d’exigences méthodologiques.

De plus, UFC Que choisir est très attentive aux termes qu’elle emploie dans la description des additifs. En effet, elle est attentive à la notion de « risque » à différencier de celle de « danger ».

« Notre lecture met aussi en évidence l’incompréhension que peut parfois susciter l’articulation entre avis scientifique rendu et décision politique au niveau de la Commission européenne, notamment lorsque de nombreuses données sont manquantes pour l’évaluation des risques. Ce point a notamment été mis en évidence lors d’un récent audit de la Cour des comptes européenne rendu public le 15 janvier dernier. »


« Évaluation  Additifs alimentaires 2019 – UFC-Que Choisir » s. d.

Leur rôle est alors d’offrir une autre vision des évaluations faites par l’EFSA et d’éclaircir le consommateur.

« En revanche, nous nous interrogeons parfois sur les décisions prises par la Commission européenne suite aux avis rendus par l’EFSA, ce que notre classement manifeste également. »

« Évaluation  Additifs alimentaires 2019 – UFC-Que Choisir » s. d.

Bibliographie :

Les chiffres clés. (s. d.). Consulté 7 juin 2019, à l’adresse Agence Bio website: https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/

Qu’est-ce que l’agriculture biologique ? (2017, septembre 8). Consulté 9 juin 2019, à l’adresse Alim’agri website: https://agriculture.gouv.fr/lagriculture-biologique-1

Agriculture biologique. (2018, juillet 13). Consulté 9 juin 2019, à l’adresse economie.gouv.fr website: https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Agriculture-biologique

Le Noallec, C. (1999, mars 1). Main basse sur les produits bio. Le Monde diplomatique, p. 27.

Dereuder, A. (2019, février 1). Le « manger-mieux » au cœur des préoccupations. Process Alimentaire (N° 1366), 48,49.

« Évaluation  Additifs alimentaires 2019 – UFC-Que Choisir ». s. d. Consulté le 1 juin 2019. https://www.quechoisir.org/comparatif-additifs-alimentaires-n56877/.