Faut-il fermer les bibliothèques ?

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Un bibliothécaire 2.0 ?

Un bibliothécaire « geek »

Le bibliothécaire a aussi pour fonction la conservation du patrimoine, et la diffusion des ouvrages. Auparavant, cela se traduisait par la conservation des ouvrages imprimés en les protégeant contre l’influence du temps, et la mise en relief du patrimoine spécifique à chaque lieu afin d’attirer le lecteur dans sa bibliothèque. Aujourd’hui et depuis l’arrivée des nouvelles technologies, il doit également apprendre à conserver les ouvrages sous format numérique, mais aussi apprendre à utiliser, gérer et maintenir les bases de données créées au sein des réseaux de bibliothèques. En cela, le bibliothécaire est parfois surnommé « geek ».

Ce terme, cité pour la première fois dans « LA BIBLIOTHÈQUE 2.0, Genèse et évolutions d'un concept », écrit par Olivier Le Deuff, et extrait de la revue Les cahiers du numérique regroupe plusieurs éléments. Le bibliothécaire serait tout d’abord assimilé à un informaticien gestionnaire des informations. En effet, Lancaster, cité dans La Bibliothéconomie de l'internet : rôles traditionnels dans un nouvel environnement (2000), écrit par Kate Sharp, chercheuse en sociologie à l’université de Bristol, précise que « la bibliothèque doit continuer à jouer une de ses fonctions les plus importantes : organiser l'univers des ressources ». La fonction du personnel des bibliothèques comprend également la gestion des fichiers numériques, des bases de données, de blogs d’informations et travaille sur de grands projets d’accès à la connaissance. Les bibliothécaires construisent des collections dynamiques qui sont actualisées à intervalle régulier, afin d’attirer le lecteur dans le lieu et lui permettre de trouver des informations spécialisées. Il doit également se charger de contrôler les flux d’ouvrages afin de faciliter l’accès aux ouvrages.

« Seuls un suivi constant des données et leur migration perpétuelle permettront d'en assurer l'archivage, avec un coût d'organisation important »

Stéphane Caruna, Les supports numériques ont une durée de vie limitée (2010)

Il doit donc savoir traiter, utiliser et parfois effectuer la maintenance des bases de données informatiques énumérant l’ensemble des ouvrages disponibles à travers les réseaux de bibliothèques. Notamment, comme le précise Stéphane Caruna, les supports numériques ne sont pas éternels et nécessitent également un certain traitement afin d’assurer leur perpétuité. Cela passe par des migrations informatiques, des transferts de données, des reconversions en des formats plus exploitables, plusieurs fonctions qu’un « geek » sait remplir mais pas un bibliothécaire traditionnel a priori.

Mais cette évolution ne s’arrête pas là. On constate à travers les études du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) que les utilisateurs ne se déplacent pas jusqu’à une bibliothèque uniquement pour rechercher des informations, mais aussi pour être en mesure d’interagir avec des spécialistes des nouvelles technologies et des nouveaux logiciels. On s’adresse au bibliothécaire pour apprendre à manipuler la suite Office ou la suite Adobe. Parfois, l’utilisateur ne vient pas chercher un bibliothécaire conservateur et guide, mais un spécialiste de la communication, que cela soit à travers des diaporamas, l’écriture de rapports, ou du graphisme.

En proposant ces formations, le personnel des bibliothèques, et en particulier les bibliothécaires et les documentalistes, à présent plus spécialisés dans l’utilisation de nouveaux outils, propose un certain nombre de services qui n’existaient pas auparavant au sein des bibliothèques, ce qui invite à repenser la fonction de la bibliothèque et de son personnel.

« Ce n’est plus le public qui vient au bibliothécaire, mais le bibliothécaire qui vient au public »

Bruno Latour, actuel président de la BNF dans l’article Plus elles se répandent, plus les bibliothèques deviennent centrales, 2011

En effet, les bibliothécaires adoptent une stratégie également commerciale. Clothilde Zur Nedden, qualifiait son poste de directrice de la bibliothèque de l’Ecole Mines ParisTech de « manager ». Les bibliothécaires se renseignent sur les besoins et les demandes des usagers, et mettent en place eux-mêmes des formations afin d’attirer le client.

Mais ce changement n’est pas accueilli de la même façon par l’ensemble du personnel qui constitue les bibliothèques. En général, les membres les plus âgés du personnel des bibliothèques ne souhaitent pas être formés à l’utilisation de ces nouvelles technologies car cela ne serait tout d’abord pas productif et rentable économiquement pour ces personnes, et car elles préfèrent se contenter de remplir les fonctions traditionnelles qui leur ont été assignées. En revanche, les jeunes employés, souvent déjà habitués à utiliser le matériel informatique tout au long de leur éducation, accueillent très bien ce changement.

« Les nouvelles recrues sont spécialisées dans le numérique, et veulent travailler dans le numérique, ce qui n'est en général pas le cas des professionnels de plus de 45-50 ans présents ici »

Marc Rassat, Délégué à la communication à la BNF

Mais en règle générale, peu de de bibliothécaires s’opposent à ce changement et à l’utilisation de ces nouveaux outils. Peu restent « en dehors du jeu », comme le signale Marc Rassat. L’Ecole Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques (ENSSIB) reste un acteur passif, mais a adapté ses programmes de formation à destination du personnel des bibliothèques afin de les former à l’utilisation de ces nouveaux outils. Ceci montre que l’ère du temps est bien au changement et à l’évolution du métier de bibliothécaire.

De plus, aucun groupe majeur ne s’oppose à cette évolution, ils s’accordent souvent pour dire que ce changement est nécessaire. Mats Carduner, ex directeur général de Google France, ajoute « Si vous résistez au changement, ça ne marchera pas ». Même les syndicats bibliothécaires ne s’élèvent pas contre ce changement, mais restent toutefois très attentifs à cette évolution du numérique et du métier de bibliothécaire.

« Cette évolution ne donne lieu à aucun conflit - par exemple syndical - même si les syndicats sont vigilants à ce qu'elle ne se fasse pas trop vite »

Marc Rassat, Délégué à la communication à la BNF

Après avoir exploré notre triptyque défini en introduction, il reste un dernier nœud à analyser en profondeur. Nous avons vu qu’une partie de l’évolution des bibliothèques reposait sur le numérique. Comment endiguer toutes les évolutions numériques à venir ? Comment structurer la numérisation des ouvrages qui a priori se fait tous azimuts par différents acteurs ?

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