Un nouveau lieu ?
Un troisième lieu
Les réflexions sur la « nouvelle bibliothèque » conduisent à la définition du troisième lieu, modèle phare aux Etats-Unis. Elle semble se matérialiser également dans plusieurs établissements européens, notamment au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Europe du Nord.
Le Fil rouge, bibliothèque de Hjoerring au Danemark
Le troisième lieu, notion forgée au début des années 1980 par Ray Oldenburg, professeur émérite de sociologie urbaine, se distingue du premier lieu, sphère du foyer, et du deuxième lieu, domaine du travail.
Il se veut un espace neutre, propice à un échange, à la conversation et au partage de moments agréables avec les autres. Une large amplitude horaire et une localisation appropriée en font un endroit aisément abordable.
Si Oldenburg ne répertorie pas la bibliothèque au nombre des troisièmes lieux dans ses ouvrages, un autre sociologue, Robert Putnam montre l’exemple avec une des bibliothèques de Chicago.
Pour le journaliste et philosophe hollandais Michaël Zeeman, les bibliothèques font partie des derniers lieux publics dans notre société qui offrent des opportunités de rencontre et de métissage social. En effet, le rôle des marchés et des églises s’est considérablement amoindri au cours du siècle dernier.
Les Idea Stores londoniens ou les bibliothèques hollandaises tranchent avec le stéréotype d’une bibliothèque austère grâce à la palette de couleurs retenues, le confort, le design et l’introduction de nouveaux usages sociaux : parler, téléphoner, boire ou manger.
Des zones silencieuses côtoient des espaces de travail informel, des salles dédiées à la réunion ou des cafés. Ce découpage spatial permet à plusieurs usages de cohabiter dans un même lieu.
En rupture avec une vision élitiste de la culture, la bibliothèque troisième lieu refuse d’être un lieu de prescription du savoir. Elle s’adresse à toute forme de cultures populaire et son offre culturelle est diverse et variée. Les goûts et les pratiques des usagers, devenus co-créateurs, ont d’ailleurs une incidence directe sur les collections et les services proposés : podiums dédiés aux créations musicales ou littéraires, productions culturelles collectives, etc. À Heerhugowaard, aux Pays-Bas, deux classes d’école primaire ont même travaillé avec les architectes à la conception du bâtiment.
On s’interroge sur la légitimité de ses établissements qui veulent assumer bien plus de missions que la seule diffusion du livre, considérée comme leur mission première. Mais pour Mathilde Servet, conservateur d’Etat des bibliothèques, on oublie trop souvent que ces établissements sont davantage fondés sur les besoins des usagers, ce dont attestent leurs taux de fréquentation record.
La France, jusqu’alors moins prompte que les pays nordiques à souscrire à ce concept, commence à s’y ouvrir, comme en témoignent par exemple les projets d’Angoulême et de Thionville.
Projet de Troisième Lieu à Thionville
Le « complexe culturel » de Thionville, prévu à l’ouverture en 2014, comprendra une bibliothèque/médiathèque, une salle de diffusion artistique, un accès internet, un office du tourisme, une cafeteria, une salle d’exposition et une salle de concert.
La future bibliothèque d'Angoulême
La future bibliothèque d’Angoulême, dont l’ouverture est prévue en 2013, abritera plusieurs mondes aux atmosphères distinctes, représentés par les conteneurs colorés, mêlant silence et bruit, espaces collectifs et zones plus intimes.
Au rez-de-jardin, le monde « Imaginer » est consacré à la littérature, évoquée à travers des matériaux précieux tels que le cuir, du tissu incrusté de fil d’or, etc. Des activités paisibles, comme l’heure du conte, les ateliers de lecture et d’écriture, etc. prendront place dans une bulle en verre isolée acoustiquement.
Le dernier niveau offrira une vue privilégiée sur la ville, et renfermera le café, qui pourra se décliner en espace d’animation culturelle. Concerts, expositions, rencontres artistiques y prendront place.