Faut-il fermer les bibliothèques ?

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Une ère numérique ?

Numérisation et législation

Lorsque l'on considère le rôle de l’État vis-à-vis des grands acteurs de la numérisation, il est nécessaire d'aborder le cadre légal. En effet, la législation est le premier moyen dont dispose l’État pour contrôler ce processus, c'est-à-dire pour en maîtriser les risques et pour s'en tenir à des objectifs préalablement fixés par les acteurs publics.

On pourrait tout d'abord penser que ces lois doivent servir à endiguer le phénomène de distribution du savoir à grande échelle. Certains considèrent en effet que l'ouverture de ces connaissances au monde entier ou leur utilisation sans recours à un support physique dénature le patrimoine culturel.

D’un autre côté, on a vu plus tôt, certains avantages du numérique notamment auprès des bibliothèques.

Pour les pouvoirs publics, la législation ne sert en aucun cas à s'opposer à la numérisation en elle-même, mais plutôt à l'utiliser à bon escient. C'est pourquoi l’État français et les organismes qui lui sont attachés, comme le Centre National du Livre (CNL) ou la Bibliothèque Nationale de France (BNF), ont depuis longtemps ouvert des projets de numérisation des ouvrages à grande échelle.

Acteurs principaux : Bibliothèque Nationale de France, État français, Google

Une question d'ordre légal concernant le processus de numérisation revêt une importance particulière. Il s'agit de la question de la propriété des ouvrages numérisés.

En effet, à l'heure actuelle, celle-ci n'est pas déterminée par la loi mais par la teneur du contrat de numérisation. Certains dénoncent un retard de la législation française sur ce point. Cependant, le gouvernement ne peut imposer l'appartenance de toute œuvre numérisée au seul État français s'il veut profiter de partenariat pour mettre en place une numérisation à grande échelle.

Ainsi, pour ses projets de numérisation en partenariat avec une bibliothèque municipale, Google a demandé les droits commerciaux exclusifs sur les ouvrages numérisés pour une durée variant de dix à vingt ans. Cette clause a été utilisée par les détracteurs de cet acteur pour dénoncer son intérêt commercial pour le patrimoine, et est l'une des principales causes de refus de la part des bibliothèques françaises.

Marc Rassat, délégué à la communication de la Bibliothèque Nationale de France, nous a expliqué à ce propos :

« Théoriquement, nous sommes un organisme d’État, nous n'avons pas à fournir de la matière première à un exploitant qui ne le fait que pour lui-même : il doit au moins y avoir un partage des ressources. »

Marc Rassat, délégué à la communication de la BNF

Le président de la République Nicolas Sarkozy a lui-même déclaré, suite à une proposition de partenariat avec Google de la part de Bruno Racine :

« Il n'est pas question de nous laisser déposséder de notre patrimoine au profit d'un grand opérateur. »

Nicolas Sarkozy, président de la République

Interrogé sur le risque que représente la numérisation pour les ouvrages concernés, le président de la BNF a tenu à distinguer les œuvres du domaine public et les œuvres protégées par le droit d'auteur. Cette distinction est dans les faits surtout chronologique : seuls les livres les plus récents peuvent appartenir à la seconde catégorie.

Pour les ouvrages du domaine public, la diffusion gratuite et universelle ne porte préjudice à personne, et la numérisation pourrait donc n'être considérée que comme une opportunité pour notre culture.

Pour les ouvrages sous droits d'auteur, la numérisation représente un risque. Leur distribution gratuite engendrerait une perte directe pour l'auteur, et ce, proportionnellement à l'échelle de distribution. Elle doit donc être interdite.

Aussi évidente soit-elle, cette réglementation peut avoir de lourdes conséquences : en juin 2005, Google annonçait la suspension temporaire de la numérisation de 15 000 ouvrages récents encore soumis aux droits d’auteur, sous la pression de l’Association of American Publishers.


Il existe plusieurs alternatives pour palier à cette difficulté. Dans les pays scandinaves, certains projets de numérisation prévoient une compensation pécuniaire pour les auteurs des œuvres concernées. Cette solution n'est bien sûr pas applicable par tous les états.

D'après un rapport du Sénat écrit par Jacques Valade :

« Certains écrivains américains à grand succès ont commencé de publier leurs nouvelles œuvres directement sur internet, mais cette pratique reste très marginale »

Jacques Valade, ex-sénateur de la Gironde

En France, plusieurs acteurs (y compris des auteurs) désirent un assouplissement de la loi sur la propriété intellectuelle et promeuvent des licences qui permettent aux créateurs de contenu de définir eux-mêmes sous quelles conditions ils entendent distribuer leurs œuvres.

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