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Une ère numérique ?

Problèmes techniques et structurels du numérique

Le processus de numérisation et la norme d'accès aux connaissances qui lui est associée soulèvent également des difficultés d'ordre technique, organisationnel et structurel. De tels problèmes, s'ils restent sans solution, peuvent ralentir l'accès aux données culturelles, voire provoquer leur perte.

Le principal problème technique attaché à la numérisation est la difficulté de conserver des données numériques.

La première cause de cette difficulté est la durée de vie des supports de ces données. Selon une étude menée en commun par l'Académie des Sciences et l'Académie des Technologies, les supports les plus classiques pour ce type de données – CD, DVD, clé USB, disques durs – auraient une longévité comprise entre 5 et 10 ans seulement. De plus, ce risque serait amplifié par la tendance qu'auraient les constructeurs de supports numériques à diminuer la longévité de leurs produits avec leur coût de production.

Le groupe de recherche en déduit une unique solution pour palier à ce problème :

« Seuls un suivi constant des données et leur migration perpétuelle permettront d'en assurer l'archivage, avec un coût d'organisation important »

Groupe de recherche de l’étude menée

La conservation des données numériques est également menacée par la nécessité de changer en permanence leur format et de s'adapter aux changements de logiciels et de système d'exploitation. Les mises à jour de bases de données peuvent également mettre en danger une partie des connaissances que ces bases contiennent, si elles ne sont pas réalisées selon un processus précis et adéquat.

Le délégué à la communication de la Bibliothèque Nationale de France, M. Rassat, nous a mentionné un exemple illustrant ces difficultés :

« Les archives numériques sont bien plus difficiles à conserver que les archives papier : nous avons ici des manuscrits datant du Moyen-Age en parfait état ; les données électroniques subissent un changement permanent (de logiciels, de système d'exploitation, de versions, etc.) »

Marc Rassat, délégué à la communication de la BNF

Par ailleurs, les données numérisées sont de nature très différente des données d'origine, liées à un ouvrage physique. Pour les héberger, les systèmes d'informations doivent adopter une structure bien particulière.

Comme Bruno Latour l'explique dans son article « Plus elles se répandent, plus les bibliothèques deviennent centrales » issu des bulletins des bibliothèques de France (BBF), les connaissances, une fois sous forme numérique, s’organisent d’une manière très différente de ce à quoi les lecteurs sont habitués. Par exemple, un article scientifique sera séparé de la revue à laquelle il appartenait, pour faire partie d'une profusion de données, apparemment désorganisée, au cœur de laquelle chaque article peut renvoyer à une multitude d'autres selon une nouvelle logique. Cette déstructuration (ou plutôt restructuration) des données oblige les utilisateurs – et les bibliothécaires, garant de l'accès à la connaissance – à s'adapter en développant de nouvelles aptitudes.

Cette contrainte rend impossible l'accès au savoir si l'on essaye d'adopter une structure d’informations qui n'est pas adaptable aux nouveaux moyens de partage. Selon le spécialiste de l'information Bruno Louis Séguin et le responsable éditorial de l'Association des professionnels de l'information et de la documentation Olivier Roumieux :

« On sait aujourd’hui, avec un peu de recul, que beaucoup de projets de gestion des connaissances ont échoué à cause d’un modèle informationnel trop structuré »

Bruno Louis Séguin & Olivier Roumieux, spécialistes de l’information

Ce problème d'organisation des données ne se retrouve pas uniquement pendant l'utilisation de celles-ci. Il est nécessaire de les hiérarchiser de manière précise au moment même de la numérisation des ouvrages. L'un des dangers du processus de numérisation est donc la perte de savoir qu'engendrerait un projet de numérisation à grande échelle trop hâtif.

L'ensemble de ces difficultés, adjoint à un besoin de mémoire informatique pour les serveurs qui croît exponentiellement, est à l'origine d'un coût important d'acquisition, d'organisation et de conservation des données accompagnant tout projet de numérisation. Les utilisateurs ont souvent l'idée inconsciente que le savoir sous forme numérique n'a aucun coût, les données étant purement virtuelles. En réalité, cette forme de savoir semble plus coûteuse à entretenir que la forme « traditionnelle ».

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