L’Etat peut-il mettre ces oeuvres à disposition ?

Comment ces œuvres seront-elles rendues accessibles ? Est-ce réaliste ?

Le problème est présent : une fois l’accessibilité des œuvres permise par la loi, et les œuvres devenues des biens publics, comment se met en place leur publication? Il faut en effet qu’elles soient accessibles à tout lecteur et donc à la fois dans les bibliothèques mais aussi numérisées pour permettre un accès à tous. Les acteurs mettant la priorité sur l’accessibilité de ces œuvres (chercheurs, Google, etc.) ont donc développés les arguments suivants.

Les bibliothèques publiques doivent-elles alors numériser tous leurs livres alors même que Google l’a quasiment déjà fait ?  Il est vrai que Google a déjà, de par la diffusion des œuvres européennes dans le monde, une partie non-négligeable des œuvres françaises, espagnoles, allemandes, anglaises dans leur serveur. Pourquoi créer une bibliothèque qui coûterait de l’argent à l’Europe et à l’État pour ré-numériser des œuvres déjà numérisées par Google Books ?

Si certes, tout utilisateur européen peut aujourd’hui accéder aux œuvres de Google Books, celles-ci appartiennent à une société privée qui peut donc y refuser l’accès. D’un autre côté, il est vrai que la numérisation est onéreuse mais elle pourrait attribuer une certaine indépendance aux bibliothèques nationales.

Bernard Lang a analysé l’impact économique qu’aurait une numérisation des œuvres indisponibles. Certains éditeurs disent pouvoir numériser une œuvre pour 50 euros. Il répond :

« Si on part d’un support papier, la numérisation est difficile : il y a des erreurs, il faut donc relire etc. Le coût est d’environ 500 euros. Si vous faites 500 euros par 600 mille livres [nombre approximatif de livres indisponibles estimé], vous obtenez 300 millions d’euros. Pour 50 euros, ce qu’on fait c’est une photographie du livre. Ce qu’ils font c’est donc de la numérisation bas de gamme. » Bernard Lang, entretien.

D’après Bernard Lang, il était prévu d’utiliser le grand emprunt de 2010 pour financer ces numérisations. Celles-ci seraient ensuite revendues aux bibliothèques pour rembourser l’emprunt.

La numérisation à l’échelle européenne.

Certains reproches également un manque de réalise des institutions européennes concernant la création de bibliothèques numériques. Cependant, l’UE voit dans l’élaboration des ces bases numériques un enjeu de taille : L’Europe ne peut pas se permettre d’être à la traîne dans l’avènement de l’ère numérique dans la culture. Des rapports européens encouragent d’ailleurs fortement les états à promulguer des lois en faveur d’une numérisation rapide et large des œuvres pour concurrencer les projets tels que GoogleBooks.

Alexandre Moatti dans un article intitulé « Bibliothèque numérique européenne : de l’utopie aux réalités » critique vivement cette attitude européenne qui serait irréaliste et inadaptée. Il défend l’idée que contrairement à GoogleBooks qui permet une recherche intuitive des œuvres, les bibliothèques numériques européennes sont davantage des catalogues de médiathèques : l’utilisateur doit toujours passer par les sites nationaux qui sont eux-mêmes trop peu exhaustifs pour une recherche simple et efficace. Les projets se succèdent mais restent trop complexes pour le grand public : Europeana, projet Bibliotheca Universalis, The European Library, Multicultural Inventory of Cultural Heritage in Europe (MICHAEL),etc. C’est ainsi qu’Alexandre Moatti déclare dans son article :

« Ce mille-feuilles de projets [de bibliothèques numériques] financés sur fonds publics européens, déjà difficilement décryptable par les professionnels de la documentation, l’est moins encore par les chercheurs et universitaires – que dire alors du grand public (même initié) auquel Europeana est censée s’adresser ? » Alexandre Moatti, Bibliothèque numérique européenne : de l’utopie aux réalités.

 

Il n’y a pas de réelle unité des bibliothèques nationales en Europe. Différents systèmes cohabitent. Si la France dispose de la BNF qui centralise bien les œuvres, en Espagne, ce sont davantage des bibliothèques universitaires qui gèrent le patrimoine. De même, en Allemagne, il n’existe pas de réelle bibliothèque nationale. Cette variété se retrouve dans les choix politiques puisque certaines bibliothèques ont signé des accords avec Google et d’autres non.