Jean-Michel Lecerf

Jean-Michel Lecerf est un médecin nutritionniste, spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques. Il travaille à l’institut Pasteur de Lille et y dirige le service nutrition.

Il est spécialiste des questions sanitaires liées à la consommation d’huile de palme et a par exemple participé à l’automne 2013 au symposium sur l’huile de palme.

 

Bibliographie :

Jean-Michel Lecerf a écrit, co-écrit ou servi de référence dans de nombreuses publications liées à l’huile de palme, on peut citer par exemple deux rapports particulièrement utilisés dans notre site web :

 

État des lieux – L’huile de palme : aspects nutritionnels, sociaux et environnementaux. Novembre 2012. Fonds français pour l’alimentation et la santé.

Lipides et Santé, Cahiers de Nutrition et de Diététique 42 24 (2007)

 

Il a également été interviewé pour plusieurs articles de journaux tels que :

Huile de palme. « Elle a aussi des qualités », 23/11/2012, Ouest France

«Faire de l’huile de palme un poison n’est pas justifié», 26/11/2012, Le Figaro

 

Enfin, il collabore régulièrement avec le CIRAD* et l’agronome A. Rival* en tant qu’expert de la problématique sanitaire.

 

Compte rendu d’entretien

Entretien téléphonique avec Jean-Michel Lecerf, chef de département nutrition à l’institut Pasteur de Lille, dont nous avons repéré l’intérêt pour la question de l’huile de palme grâce à une publication pour le Fond Français Alimentation et Santé.

 

1er Thème abordé : l’huile de palme est-elle nocive pour la santé humaine ?

 

Cette question amuse beaucoup le Dr Lecerf qui répond directement « Aucun aliment n’est un poison, sinon ce n’est pas un aliment ». Il détaille ensuite sa pensée. L’huile de palme ne contient aucune substance nocive, seule la communication autour de celle-ci actuellement fait croire que c’est un produit dangereux.

 

La conversation prend ensuite une tournure plus technique, le seul problème de l’huile de palme est qu’elle contient beaucoup d’acide gras saturés, mais cela est à mettre en balance avec le fait qu’elle a permis de remplacer les acides gras trans. Il recadre alors la discussion, présentant les problématiques de l’huile de palme pour lui :

 

  • Mangeons-nous trop d’acide gras saturés ?
  • Quelle est la place de l’huile de palme dans le total d’acides gras saturés consommés ?
  • Les acides gras saturés sont-ils réellement nocifs ?

 

1ère problématique : En France nous consommons trop d’acide gras saturés, comme dans de nombreux pays occidentaux. Ils représentent 15 à 16 % de notre apport en calories quotidiennes (Contre 12 % conseillés).

 

2ème problématique : Actuellement nous consommons 5g/jour d’huile de palme ce qui représente moins de 10 % de la consommation globale en acide gras saturés. En France, la plupart de ces acides gras saturés viennent des produits laitiers, non athérogènes (Lien lexique cholestérol).

 

L’huile de palme est certes irremplaçable dans certaines préparations de par sa solidité mais il ne faut donc pas trop s’inquiéter car sa consommation reste limitée.

 

Je lui demande alors d’où viennent ces chiffres. Il m’explique alors que les chiffres sont des évaluations grossières qui sont à la fois surestimées et sous estimées : surestimées car le calcul est fait en divisant les quantités importées par le nombre de consommateurs, les pertes sur toute la chaîne de production n’étant pas prises en compte. Sous-estimées car l’importation de produits transformés contenant de l’huile de palme n’est pas prise en compte dans ce calcul. Il pense que les autorités sanitaires devraient s’occuper de cette estimation plus sérieusement.

 

3ème problématique : Le Dr Lecerf se sait ensuite polémique dans l’opinion publique, mais présente des données reconnues par les nutritionnistes. Contrairement à ce que l’on pensait il y a encore quelques années, les acides gras saturés ne sont pas si dangereux que ça tant que leur consommation reste raisonnable. Il n’existe aucune corrélation directe entre risque cardio-vasculaire et consommation de matières grasses saturées. En effet cette consommation augmente de façon modérée à la fois le bon et le mauvais cholestérol.

 

Le fait nouveau que me présente le nutritionniste et qui est inconnu par la plupart des gens actuellement est que si l’on ne consomme pas suffisamment d’acide gras saturé (notamment acide palmitique), le corps en produit lui-même en quantités non-négligeables à partir d’autres composés. Il vaut mieux en consommer soi-même pour réguler son taux dans le sang.

 

De plus en France, il existe une « exception française ». Malgré notre sur consommation de matières grasses saturées, il y a ici moins de maladies cardiovasculaires que dans d’autres pays. Cela est en partie explicable par leur origine laitière.

 

J’interroge le Dr Lecerf sur certaines études citées dans la presse et citées par les écologistes qui affirment démontrer la nocivité des acides gras saturés. C’est pour lui une récupération médiatique, pour servir au problème environnemental. Les études ayant prouvé une quelconque corrélation ont été biaisées : elles sont dues à la présence de facteurs confondants qui faussent la conclusion (par exemple la l-carnitine pour la viande : c’est un autre composé qui augmente le risque cardio vasculaire) ou à un régime alimentaire globalement déséquilibré.

Il retourne donc sur sa conclusion : Il ne faut pas consommer trop d’acides gras saturés mais une consommation contrôlée est utile. Il vaut mieux manger un peu trop d’acide gras saturés que des acides gras trans, issus de matières grasses partiellement hydrogénées.

 

Il me fait également remarquer que l’huile de palme brute est l’huile de table en Malaisie et il n’y a pas plus de problèmes cardio-vasculaires là-bas qu’ailleurs.

 

2ème  Thème abordé : La législation

 

Ici, le Dr Lecerf assume s’écarter du point de vue répandu : Il est contre l’étiquetage obligatoire de l’huile de palme dans les produits transformé à cause de l’ignorance du consommateur. Il veut « rétablir la vérité sur l’huile de palme».

Si le produit contient de l’huile de palme, le consommateur va le bouder face à celui qui n’en contient pas à cause de la mauvaise réputation de cette matière grasse.

 

Si le produit se revendique sans huile de palme, le consommateur va penser « eux aussi ils n’en mettent pas », ce qui va contribuer à l’image négative d’un produit qui n’a rien à se reprocher du point de vue sanitaire (même si le Dr Lecerf ne met pas en doute qu’il existe des problèmes écologiques et est en faveur des labels qualifiant une huile de palme durable.)

 

Il est aussi totalement opposé à la taxe nutella qui n’est pas logique pour 4 raisons :

 

  • Ce n’est pas un produit toxique
  • Il n’existe pas de critère objectif de taxation (par exemple la quantité de graisses saturées présentes)
  • Des aliments parfois plus riches en acides gras saturés ne sont pas taxés comme le beurre.
  • C’est une barrière douanière, injuste pour l’Indonésie et la côte d’ivoire

 

Jean Michel Lercerf affirme que l’argument sanitaire fait l’objet de récupération politique et environnementaliste. « L’huile de palme n’est pas un produit fantastique mais il faut rétablir la vérité pour le consommateur ».

3ème thème abordé : Je conclus la conversation avec une plaisanterie sur les publicités Nutella. Le Dr Lecerf me surprend encoure une fois : Ces publicités sont vraies, un petit déjeuner avec du Nutella n’est pas pire qu’avec de la confiture. C’est ensuite aux parents d’éduquer l’alimentation de leurs enfants et pas aux industriels qui font juste leur travail.

 

Il me présente finalement un fait surprenant sur l’huile de palme et affirme que si l’on reproche les acides gras contenus dans l’huile de palme, le chocolat noir est plus dangereux que le Nutella car le beurre de cacao est plus riche en acides gras saturés que l’huile de palme.

 

Conclusion de l’entretien

 

- L’huile de palme a sa place dans l’alimentation française de par ses propriétés techniques hors du commun.

- Ce n’est pas un produit diabolique, les acides gras saturés doivent faire partie d’une alimentation équilibrée.

- La controverse est close sur le plan sanitaire, tous les nutritionnistes sont du même avis que le Dr Lecerf. Elle est récupérée pour défendre les arguments écologistes et politiques.

- La controverse est beaucoup évolué entre les années 70 et aujourd’hui :

  • Années 70 : huile biologique, bonne réputation car elle n’est pas d’origine animale.
  • Années 80-90 : Controverse sur la nocivité des acides gras Trans, partiellement hydrogénés, l’huile de palme s’impose dans les préparations industrielles
  • Début 2000 : On croit les graisses saturées nuisibles, scandale environnemental.
  • Début 2010 : Résolution de la controverse sur le plan sanitaire : pas de problèmes avérés. Echec de la taxe nutella
  • Aujourd’hui : argument toujours utilisés par les écologistes, mais la controverse est bel et bien close pour les nutritionnistes.

 

 

*CIRAD – Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement : Centre de recherche français, sous double tutelle des ministères de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et des Affaires Etrangères. Le CIRAD produit des solutions (agronomiques, sociales…) pour le développement des pays du Sud.

*Alain Rival : Agronome, correspondant pour la filière « Palmier à huile » au sein du CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement).