Démocratisation ou mort du système éducatif ?

Les plateformes

Vous pouvez accéder à un schéma interactif des relations qu’entretiennent les divers acteurs entre eux en cliquant ici.

 

Les plateformes sont un type d’actants assez particulier. Une plate-forme, en informatique, peut être définie comme une base de travail à partir de laquelle on peut écrire, lire, développer et utiliser un ensemble de logiciels, applications, sites internet ou autres projets de programmation. Dans notre cas, elles ne possèdent pas toutes le même système de fonctionnement. En effet, on compte plusieurs sortes de plateformes, ne présentant alors pas les mêmes modalités, ni contenus.

 

Aux Etats-Unis

Des plateformes ont été conçues pour porter les MOOCS et sont financées par des entreprises ou des fondations. Coursera, Udacity ou encore EdX font partie de ces plateformes : elles ont été développées par les grandes universités américaines de haut niveau et se partagent le monde académique anglo-saxon.

Coursera est la première plateforme, créée en 2012. Il s’agit d’une entreprise numérique, fondée en 2011 par des professeurs d’informatique de l’université de Stanford (Mountain View, Californie) Andrew Ng et Daphne Koller, en collaboration avec l’université Princeton. Le but est de proposer des formations en ligne ouvertes à tous, ou MOOCs. A noter que Coursera ne produit pas elle-même ses cours mais établit des partenariats avec des universités. En effet, c’est après avoir fait le constat selon lequel « des millions de personnes souhaitent accéder au savoir et les institutions classiques ne peuvent pas satisfaire cette demande »[1], que D. Koller a eu cette initiative. Le modèle que suit est Coursera est celui d’une industrie privée, faisait du profit. En effet, tout comme le coût des études aux USA est extrêmement élevé, les certifications payantes proposées par Coursera restent comprises entre trente et cent dollars. Mais ce modèle économique n’est pas viable et fonctionne à perte puisque qu’en réalité le taux de validation est extrêmement faible, 9% environ[2].

L’autre grande plateforme américaine est EdX, fondée en mai 2012, par Harvard et le MIT (Massachussets Institute of Technology), ce qui témoigne à nouveau d’un phénomène de concentration entre les universités pour une meilleure dynamique de création. L’ambition initiale était de comprendre comment la technologie peut transformer l’apprentissage et amener à comparer la façon dont les professeurs peuvent enseigner en classe et en ligne. Ce projet est le fruit de multiples recherches sur l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Contrairement à Coursera, cette plateforme est une association à but non lucratif, la structure reste donc plus académique. Dès lors, elle est plus viable et durable financièrement, bien que les cours soient mis en ligne gratuitement et que le taux de validation soit seulement de 4,6%[3].

Le second type pourrait être les plateformes portées par des entreprises proposant au départ des learning management system à des institutions d’enseignement, pour les adapter et les faire passer au « massif », c’est par exemple le cas de CourseSites by Blackboard.

 

Coursera edX

 

En Europe globalement 

Plusieurs initiatives sont également apparues dans différents pays de l’Union Européenne, où de nombreuses universités se sont engagées dans la création de MOOCs, certaines hébergeant même leurs cours sur des plates-formes américaines. Pour regrouper toutes ces initiatives, l’Europe a créé une structure supranationale, appelée OpenupEd, dont le projet a été lancé en avril 2013 et dispose actuellement de plus d’une centaine de cours disponibles gratuitement en 12 langues.

Donnons les exemples les plus contenus en Europe, à savoir les plateformes britannique, espagnole et allemande.

 

FutureLearn_823185FutureLearn en Grande-Bretagne

Dans le paysage anglo saxon, cette plateforme fait figure d’outsider. Lancée en septembre 2013, cette jeune start up est détenue par The Open University (acteur majeur de l’enseignement supérieur britannique), qui a investi plus de 7 millions de livres dans ce projet. Depuis février 2015, elle a dépassé le million d’inscrits, témoignant ainsi de sa croissance fulgurante. Un tel succès, rapide et efficace, s’explique notamment par une structure originale et une vision bien définie de l’avenir de l’enseignement en ligne. En effet, cette plateforme a l’ambition de dépasser le simple modèle de fournisseur de cours à distance. Le directeur, Simon Nelson, ancien responsable du développement de services numériques à la BBC, souhaite offrir des contenus pédagogiques de la plus haute qualité, issus des meilleures universités internationales ; le but étant, à termes, que chacun puisse se former en ligne aussi facilement que consulter une page Wikipédia ou Youtube. Ainsi, dans un secteur où les modèles économique et pédagogique ne sont pas encore stabilisés, FutureLearn se place en véritable concurrent, et comme acteur décidé à repenser fondamentalement le modèle traditionnel du cours en ligne. Enfin, si la plupart des apprenants sont originaires du Royaume-Uni, forte de ses nombreux partenariats, la plateforme connaît un rayonnement à l’international puisque plus de la moitié d’entre eux sont issus d’environ 190 pays différents. A terme, la plateforme souhaite devenir auto suffisante, et développe ainsi des modèles spécifiques de certification payante.

 

LogoMiriadaxMiriadaX en Espagne

L’anglais n’est pas hégémonique dans l’univers de l’enseignement en ligne. Dès lors, certaines plateformes accueillent des apprenants en se fondant sur la base de leur communauté linguistique. C’est le cas de MiriadaX qui s’adresse aux 700 millions de personnes qui parlent espagnol ou portugais dans le monde, la vaste majorité se trouvant sur le continent américain. Elle est le fruit des efforts conjugués de la Banco Santander (première banque espagnole) et de l’opérateur téléphonique Telefonica.  Actuellement, 39 institutions proposent des MOOCs sur cette plateforme mais cette dernière ambitionne de fédérer les universités conceptrices de MOOCs dans l’ensemble de l’espace ibéro américain (réseau Universia). Le nombre d’universités sud-américaines présentes sur MiriadaX augmente régulièrement, la Colombie et l’Argentine se plaçant comme figures de proue puisque 4 universités de chacun de ces pays proposent déjà des MOOCs. MiriadaX, avec à ce jour près d’un million d’inscrits et 130 MOOCs disponibles, détient une véritable place dans l’espace européen, 35% des MOOCs européens étant diffusés sur cette plateforme.

 

82_bigIversity en Allemagne

Il s’agit d’une plateforme allemande basée à Berlin, ayant mis en ligne ses premiers MOOCs en octobre 2013. Début 2014, 24 cours étaient déjà disponibles, la majorité étant en allemand. Depuis sa création, elle a pour ambition de devenir « le Coursera de l’Europe », pour concurrencer les plateformes américaines déjà quasi hégémoniques. Le directeur de cette plateforme, Marcus Riecke, précise que la majeure partie du financement provient des universités et des professeurs européens et américains contribuant à l’élaboration des cours proposés (notamment l’Université de Hambourg et l’Université d’Osnabruck). Cette plateforme se démarque néanmoins des autres, par le fait que certains des cours hébergés accordent aux apprenants des ECTS, ce qui est non négligeable dans la mesure où les questions de certification/validation sont encore pendantes. Par ailleurs, Marcus Riecke est très attaché à la monétisation des MOOCs, et souhaite baser son business model sur une certification payant officielle ainsi qu’une mise en relation des apprenants ayant réussi leur examen avec des entreprises étant susceptibles de rechercher des candidats performants en rapport avec leur cadre d’activité.

 

En France plus particulièrement

Enfin, l’exemple français de France Université Numérique est particulier et unique en son genre. Mais, en France comme dans le reste de l’Europe, on reste très loin d’atteindre les centaines de cours, certains étant des sommités mondiales, abrités par les puissantes plateformes américaines comme Coursera, la première, créée par Princeton et Stanford, ou encore EdX, fondée par Harvard et le MIT (Massachusetts Institute of Technology), et Udacity, née dans la Silicon Valley.

 

Unknown-1FUN

FUN est une plateforme mutualisée de cours en ligne, qui a été lancée le 2 octobre 2013 par Geneviève Fioraso. Elle a plusieurs objectifs essentiels : la réussite étudiante et la formation tout au long de la vie notamment car on est dans un monde en mutation permanente.

La France essaie, par ce projet, de s’insérer et de légitimer sa place dans la « mooc-mania » (seulement 3% des universités françaises offrent une telle formation contre 80% aux USA). L’idée de cette plateforme est de pouvoir justement héberger les MOOCS des universités les plus prestigieuses, afin de leur donner une certaine visibilité.

FUN a rapidement été un succès, et Geneviève Fioraso s’est notamment vue délivrer le prix de la performance publique de l’année d’Acteurs Publics. En 3 mois, 88 000 personnes se sont inscrites pour suivre un des 25 MOOCs proposés. Ce projet témoigne de l’écosystème d’innovation français. Le gouvernement a débloqué un fonds de 12 millions d’euros (du Programme d’Investissements d’Avenir) pour soutenir le projet. En sus, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a décidé de consacrer 8 millions supplémentaires pour financer l’équipement des campus pour faire un MOOC et soutenir le développement d’une offre de MOOCs en formation continue. Si les financements sont importants, un des enjeux essentiels reste de trouver le modèle économique qui permette la reconstitution des fonds pour « investir de façon pérenne ». Aussi, une des perspectives majeures suivies est la promotion de la francophonie, à travers cette diffusion des MOOCs. Dans cette perspective, des partenariats sont signés – ou en train d’être signés – avec d’autres pays.

 

12782b6MOOC Lab

Le MOOC Lab est une branche de l’INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique. Il a été crée en mai 2013 pour favoriser le développement de projets autour de l’enseignement en ligne. En effet, ce dernier est relativement ancien mais s’est profondément transformé et renouvelé, ouvrant alors de nouvelles perspectives à la fois pour les enseignants, les chercheurs et ceux qui veulent partager la connaissance le plus largement possible. Cela fait plusieurs années, au sein de l’INRIA, que s’est développée une réflexion sur les transformations qui se produisent dans l’enseignement, et en particulier dans l’enseignement en ligne, sur le fait que l’informatique, les ordinateurs, les réseaux allaient transformer l’enseignement, la manière dont on enseigne, notre rapport à la connaissance. Dès lors, un groupe de chercheurs, coordonné par Gilles Doowek, a décidé de créer ce MOOC Lab, qui regroupe toutes les activités portant sur ces thèmes. Pour eux, les MOOCS permettent d’étendre la connaissance au-delà des universités et des laboratoires, en traversant les frontières jusqu’aux individus n’ayant pas accès aux moyens traditionnels d’éducation et aux personnes en formation continue.

 

MOOC-Lab

 

On peut observer les relations que les diverses plateformes entretiennent entre elles sur ce schéma de Navicrawler. Vous pouvez accéder aux divers sites qui figurent sur le schéma en cliquant sur les URL correspondant. 

 

click map

http://www.openeducationeuropa.eu https://www.edraak.org https://fr.coursera.org http://www.openculture.com http://mooc.francetveducation.fr https://www.edx.org https://udemy.com https://www.futurelearn.com https://www.canvas.net https://udacity.com https://cours.edulib.org http://www.france-universite-numerique.fr http://mooc-francophone.com/ http://www.eadtu.eu/ https://www.ted.com/ http://www.openuped.eu/ https://www.ted.com/ http://openclassrooms.fr https://www.mooc-list.com/ http://flot.sillages.info/ https://iversity.org/ https://www.france-universite-numerique-mooc.fr/ https://edulib.hec.ca/portal http://www.veduca.com.br/

 

On remarque que les différentes plateformes entretiennent très peu de liens. On peut supposer que cela est dû au fait qu’un MOOC ne se retrouve que très rarement sur plusieurs plateformes à la fois. Cela renvoie alors à la question des droits d’auteurs soulevée par Henri Isaac. 

 

Les apprenants →

 


[1]DAVIDENKOFF Emmanuel, « Avec les Mooc, ‘la formation tout au long de la vie va exploser’ : interview avec Daphne Koller », dans http://lexpress.fr , 12 /12/2014. Disponible sur : http://www.lexpress.fr/emploi/formation/avec-les-moocs-la-formation-tout-au-long-de-la-vie-va-exploser_1631039.html (consulté le 6/05/2015).

[2]ABEILLE Alexis, DAIGNES Geoffroy, « En route pour une nouvelle aventure, Les MOOCs et la reconfiguration du savoir », Le Débat, 183, 2015, p. 26-34, doi:10.3917/deba.183.0026.

[3]ABEILLE Alexis, DAIGNES Geoffroy, « En route pour une nouvelle aventure, Les MOOCs et la reconfiguration du savoir », Le Débat, 183, 2015, p. 26-34, doi:10.3917/deba.183.0026.